était faute réelle de ce qui était mauvaise chance, car il demeure l’homme que, en 1916, je voyais au rapport du quartier général de l’armée de Verdun, dire aux officiers revenant des avant-postes : « Ne me faites pas plaisir ! » Quand près de ce grand chef, si attentif à voir clair, il y eut ce jeune major-général Buat, si préparé à agir ferme, l’État-major français, réformé par cette vraie École de Guerre qu’est fa guerre, était, comme le reste de l’armée, un instrument merveilleux de travail et d’action.
Nos alliés ne profitaient pas moins que nous de l’expérience. Le maréchal Haig et ses lieutenants, Byng, Plumer, Rawlinson, Horne, Birdwood, ont le droit de se reconnaître une valeur décuplée par la défaite même. Avec un autre tempérament que nous, ils mettent toute leur opiniâtreté anglo-saxonne à préparer le succès d’une entreprise qui, autant que nôtre, est leur. Ils comprennent aujourd’hui plus que jamais qu’ils défendent, avec l’Artois et les Flandres, le seuil de Londres, mais aussi que toute bataille perdue en France livre, à une échéance plus ou moins éloignée, ce seuil à l’ennemi. Ces particularistes, qui naguère encore étaient des alliés cordiaux, mais jaloux de leur indépendance, sont amenés par l’intelligence de la situation à se laisser volontiers conduire par un Foch, à admettre l’aide réciproque, non plus momentanée et partielle, mais constamment assurée par l’interpénétration des armées, à réaliser non plus une entente entre chefs, mais une étroite union des forces. Et alors, quel autre magnifique instrument dans les mains d’un grand chef que cette armée britannique ! Neufs au jeu de la guerre et même à sa conception, les États-majors britanniques se sont merveilleusement formés depuis 1914 et surtout depuis 1916 ; mais ce sont les événements même du printemps 1918 qui en quelques mois, en éprouvant les âmes, ont mûri les intelligences. Et quant aux troupes, qui, même lorsque les corps britanniques paraissaient se dissoudre, édifiaient nos soldats, se battant à leurs côtés, par la vaillance flegmatique qu’elles opposaient aux coups de l’ennemi, elles constituent maintenant, elles aussi, un merveilleux outil pour l’attaque. Nous verrons cette redoutable infanterie d’Angleterre briser les lignes proclamées infrangibles et broyer la force qui leur sera opposée comme est broyé un os entre les mâchoires d’un lion.