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pressé à l’Ouest, refoulé au Sud. L’effet devait être si fatal que, le 17 au soir, Foch tenait d’ores et déjà l’Allemand pour battu. Ses notes, lettres et instructions des 15, 16, 17 nous montrent un homme plus maître que jamais de son jeu.

Néanmoins, tout dépendait du coup de bélier que Mangin se préparait à donner ; il fallait donc qu’il fût d’une irrésistible violence ; tandis que le Grand quartier français réclamait, pour repousser l’attaque sur la Montagne de Reims, les renforts britanniques, — les 15e et 34e divisions, — Foch en grossissait, au contraire, l’armée de Mangin. Celui-ci ne cessait de recevoir, par ailleurs, les chars d’assaut qui constitueraient le fer du bélier. J’ai vu à cette époque les redoutables petits monstres d’acier, expédiés par le général Estienne, se grouper non plus en escadrilles, mais en escadres sous le feuillage de la forêt de Villers-Cotterets. Et quand on avait ainsi reconnu l’instrument formidable placé dans la main du Chef, on éprouvait une impression d’autant plus vive à voir celui-ci, frémissant d’une impatience presque irritée, son œil noir fixé sur l’objet offert à ses coups prochains, le cerveau tout entier bandé vers le résultat à obtenir, à la veille d’une action qui allait bouleverser le monde, maître de lui, mais apportant à ses préparatifs avec le sang-froid nécessaire l’ardeur d’une âme dans un magnifique émoi. A la lisière de la forêt, s’élevait le fantastique observatoire d’où, par-dessus les derniers arbres, il embrasserait du regard le champ où son armée moissonnerait les lauriers. Le 17 au soir, l’opération était prête, chez Degoutte comme chez Mangin. Car le destin, ramenant celui-ci vers cette région de l’Aisne où, les 16 et 17 avril 1917, il avait vu se briser les grands projets que, sous peu, il réaliserait, le même destin singulier assignait, d’autre part, à la 6e armée, — l’ancienne armée Maunoury , — dans la vallée supérieure de l’Ourcq, un rôle tout pareil à celui que, dans sa vallée inférieure, elle avait été amenée à jouer dans les immortelles journées des 5, 6 et 7 septembre 1914 sur le flanc de Klück aventuré, — tout comme les lieutenants de Ludendorff — au delà de la Marne.


Les préparatifs de Mangin dans les premières semaines de juillet n’avaient pu complètement échapper à l’adversaire. « Les différentes petites attaques françaises, écrivait, après l’affaire sur Cutry, le commandant de la VIe division allemande, peuvent