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mois rempli au profit de l’ennemi. A cet égard, il était bien servi par l’écran naturel qu’en ces mois de plein été, la forêt de Villers-Cotterets étendait entre l’ennemi et lui, tandis que la forêt de Compiègne offrait à l’arrière des couverts plus vastes encore. Par surcroît, les précautions les plus minutieuses avaient été prises pour que le jour et l’heure de l’attaque restassent inconnus de l’ennemi ; l’artillerie avait reçu l’ordre d’éviter les réglages dénonçant les intentions ; les téléphones, pour déconcerter les postes d’écoute spéciaux de l’ennemi, avaient été supprimés au delà des P. C. de division. Encore que, le 15, Mangin eût reçu tout un corps d’armée américain et le 2e corps de cavalerie, puis, le 17, la 34e division britannique, les mouvements qu’occasionnait l’introduction de ces forces considérables dans le front de l’armée et dans ses réserves, avaient été si habilement réglés qu’ils n’avaient pu donner l’éveil. L’attaque étant fixée au 18 à 4 h. 35, l’armée von Eben s’endormait le 17, au soir, aussi tranquille que si les Alliés eussent été à cent lieues.

Au moment où, après une nuit d’orage, l’aube rosissait le ciel, notre artillerie ouvrit le feu sur tout le front de la 10e armée comme sur celui de la 6e. Mais les canons n’avaient pas commencé leur concert, que déjà les 321 chars d’assaut, les régiments d’infanterie, les escadrilles d’avions de Mangin partaient à l’assaut. Le barrage roulant, s’avançant méthodiquement, semblait lui-même prendre la direction du mouvement.

La 10e armée entra comme un coin dans le flanc ennemi : si l’avance, de l’Aisne à l’Ourcq, (très précisément de Fontenoy à Troennes,) fut générale, elle allait rapidement se faire considérable en direction de Soissons par le plateau de Vauxbuin. Dès 8 heures du matin, on était maître du plateau 140 au Nord de Fontenoy, de la croupe de Pernant-Montaigu, du ravin au Sud de Pernant, de Missy-aux-Bois, des fermes Chavançon et Beaurepaire, la droite seule étant arrêtée devant Villers-Helon et la Savière. Mangin, du fantastique observatoire qu’il avait adopté au-dessus des arbres de la forêt, faisait pleuvoir les ordres pressants ; il poussait en avant les troupes, prescrivait aux commandants de corps d’avancer, à chaque progrès, leurs postes de commandement, talonnant en son impatience les troupes en retard et comme présent derrière chacune d’elles. Dès 7 h. 50, voyant le ciel se remplir d’avions allemands, il avait ordonné