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Septime Sévère appartenait à une famille de Lepti, très riche et très cultivée mais de noblesse récente, puisqu’il était le premier membre de sa famille qui eût fait partie du Sénat. Il avait cultivé avec une égale ardeur les lettres latines et les lettres grecques, mais il avait aussi épousé Julie Domna, issue d’une des plus riches familles de Syrie, à laquelle le culte du Soleil devait ses prêtres les plus célèbres. Africain de noblesse récente, hellénisé et romanisé, non sans avoir subi fortement l’influence de l’Orient asiatique, Septime Sévère n’était pas homme à respecter l’autorité du Sénat, comme l’avait respectée un siècle auparavant le grand Trajan, et surtout après que le Sénat se fut déclaré contre lui dans la guerre civile. Le Sénat, pour des raisons qui nous sont inconnues, avait mis au service de ses ennemis toute l’autorité dont il disposait ; l’Africain s’en vengea quand la victoire se fut prononcée en sa faveur, en s’appliquant à défaire ce que Vespasien avait fait. Fort de la fidélité de ses légions, il affaiblit et appauvrit autant qu’il put l’aristocratie historique, à force d’exécutions et de confiscations ; il l’humilia en diminuant ses privilèges et son prestige en faveur de l’ordre des chevaliers ; il assigna à ceux-ci de nombreuses charges jusqu’alors réservées aux sénateurs, et commença à constituer parmi les chevaliers une noblesse de fonctionnaires élus et dépendants de lui, à laquelle il donna des titres honorifiques nouveaux (vir egregius, vir perfectus, vir clarissimus) ; il exerça ouvertement le pouvoir absolu, renforça le principe dynastique, et traita ouvertement l’Empire comme une propriété de famille, en le partageant entre ses deux fils ; il fit de l’armée une puissance politique supérieure au Sénat, en considérant la faveur de l’armée et la force qu’il lui devait comme des titres d’autorité plus valides que le choix du Sénat. Septime Sévère fut en somme le premier vrai monarque absolu ou presque absolu de l’Empire, qui osa se faire appeler officiellement « dominus ; » qui rendit la justice dans son palais et qui frappa l’autorité du Sénat d’une humiliation définitive dont le Sénat ne se releva plus. Il accomplit dans l’Empire une véritable révolution, la révolution que tant d’historiens attribuent à César !

Et il ne sembla pas tout d’abord que l’Empire eût à se plaindre de cette profonde révolution qui en changeait le caractère et la nature. Cet abaissement du Sénat put même,