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et l’instabilité du pouvoir impérial qui en résultait, avaient tellement épouvanté les classes gouvernantes, à commencer par la famille même de Septime Sévère, que tous se tournèrent vers le Sénat, pour rétablir un gouvernement fort et respecté, dont la légitimité fût incontestée et qui en imposât à l’arrogance des légions.

Alexandre Sévère reprit donc, et exagéra même la politique de Trajan, d’Antonin-le-Pieux, de Marc-Aurèle. Il refusa le titre de « dominus », il supprima le cérémonial, il traita les sénateurs en égaux, il confia de nouveau au Sénat le choix des principaux fonctionnaires, y compris les gouverneurs des provinces, il forma avec des sénateurs le Consilium principis, il voulut que des sénateurs assistassent les gouverneurs ; non seulement il limita l’autorité des procureurs impériaux, mais il les fit élire par le peuple. De même que Sylla, Auguste et Vespasien, il opposa encore une fois, à la force déchaînée de la révolte militaire, le Sénat, gardien de l’ordre et roc de la légalité. Mais ce fut pour la dernière fois. Les légions n’étaient plus, comme au premier siècle de l’Empire, recrutées presque uniquement parmi les Italiens, qui, par tradition, vénéraient le Sénat comme le père de leur nation : elles étaient pleines de provinciaux provenant des pays barbares de l’Empire, pour qui le Sénat était une autorité vague, lointaine, qu’on ne respectait qu’à cause de sa puissance. En outre l’esprit qu’on pourrait qualifier de sévérien, l’ambition d’être le seul soutien de l’autorité impériale, avait trop pénétré ces légions pour qu’elles pussent s’incliner longtemps devant le Sénat,

Enfin les circonstances favorisèrent aussi leur esprit de révolte. A ce moment critique de l’histoire de l’Occident, une grande révolution se produisit en Orient. Le dernier roi des Parthes était renversé, et la dynastie nationale des Sassanides remontait sur le trône, bien décidée à exterminer en Perse la culture grecque que l’empire des Parthes avait favorisée, et à reconquérir les territoires de l’ancien empire persan qui étaient alors au pouvoir des Romains. L’Empire romain se trouva tout à coup engagé dans une grande guerre avec la Perse Alexandre Sévère réussit à repousser l’invasion persane, mais en engageant toutes les forces de l’Empire, y compris celles qui défendaient les frontières d’Occident. Les Alamans et les Marcomans en profitèrent pour franchir les uns le Danube et les autres le