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qu’on en parle toujours dans son salon, quoique je lui aie fait connaître dix fois mon opinion là-dessus. Le résultat de tout cela est de déconsidérer le souverain et de jeter du vague dans les esprits. Prenez des informations, et si cela est, parlez-en à Fouché, et dites-lui qu’il est temps qu’on finisse de s’occuper de cette matière-là et qu’on est scandalisé de voir la suite qu’il y met. Est-il étonnant, après cela, que des hommes comme Florent-Guyot, Jacquemont et autres, sur ces hypothèses, commencent à tramer des complots ? Ce n’est pas que j’aie le moindre doute sur la fidélité de Fouché, mais je redoute la légèreté de sa tête qui, en propageant ses idées, en fait naître d’autres, et des projets que, par métier, ensuite, il est obligé de réprimer. »

Enfin, sur la lettre du 16, il écrit le 21 à Dubois, — et c’est une exception à noter qu’il s’adresse directement au préfet de Police : — « J’ai reçu les interrogatoires du 16. Je suis loin de trouver que vous avez fait arrêter le sieur Jacquemont légèrement. Il peut être innocent, mais son interrogatoire est celui d’un criminel. Continuez à suivre cette affaire avec la plus grande activité, en marchant toujours avec les indices et jamais avant. »


LA DÉFENSE DE JACQUEMONT

Si, par son interrogatoire, Jacquemont a donné, en effet, des préventions contre lui en adoptant une forme de défense qui ne semblera ingénieuse que si l’on se prête, — ce qui n’est pas le cas de Napoléon, — aux récréations métaphysiques, il accentue encore cette manière en la condensant, et en l’entourant de tous les artifices de la psychologie la plus experte. Il ne nie point qu’il ait vu Florent-Guyot ; il ne nie point qu’il ait conversé avec lui ; il ne niera pas davantage qu’il ait vu Malet, mais prenant Florent-Guyot à partie, sans l’accuser d’avoir menti, il prétend prouver qu’il a, sans le vouloir, déformé les faits : « M. Florent-Guyot s’est abusé lui-même, écrit-il le 14 juin, en croyant rendre un entretien dont sa mémoire ne pouvait lui rappeler les expressions, et dont sa narration n’offre point le véritable caractère. » Et après avoir nié d’abord que M. Florent-Guyot soit de ses amis, « puisque depuis deux ans peut-être qu’il a fait sa connaissance, il ne croit pas qu’il l’ait