Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cherche à assouvir des haines particulières et le peuple n’est pas encore assez éclairé pour éviter les pièges qu’on lui tend. »

Madame Malet pouvait suivre son mari dans les doctrines républicaines qu’il professait à présent, mais elle était attachée à sa religion, et, malgré qu’elle la pratiquât avec des prêtres schismatiques, elle ne s’en croyait pas moins bonne chrétienne : cela était un état d’esprit qu’elle n’était point seule à partager ; aussi les décrets qu’on annonçait l’inquiétaient fort et son mari la reprenait sur le haut ton en professant pour elle un étrange cours de droit canon. « Je ne sais pas, lui écrit-il, qui est-ce qui te parle et qui te met dans la tête que l’on veut détruire la religion ; je n’ai pas encore ouï parler de ce projet-là, mais bien au contraire de la ramener à sa pureté primitive, et c’est ce que nos prêtres ne se soucient pas d’entendre ; car de quoi s’agit-il actuellement ? De ne plus exiger de serment des prêtres, de ne plus les salarier et de laisser à chaque ville et commune la liberté d’en avoir autant qu’elles voudront en payer et, pour en donner la facilité, de supprimer l’impôt mobiliaire. Voilà ce que les départements du Rhin qui certainement sont bien fanatiques sur le fait de la religion ont demandé depuis longtemps et c’est le seul moyen de prévenir toute querelle de religion. »

« Pour ce qui est du mariage des prêtres, je ne sais pas qui est-ce qui t’a dit qu’il était contraire à la religion. C’est une chose absolument réglementaire. Et, au Concile de Trente, il a été mis en proposition si les prêtres se marieraient. Tous les anciens étaient de cet avis. Il n’y a eu que les jeunes qui s’y sont opposés parce qu’ils aimaient mieux la liberté de vivre dans la licence. Je pense donc que le mariage des prêtres, loin d’être contraire à la religion, est le seul moyen de les ramener à la pureté des mœurs dont ils doivent donner l’exemple. »

Voilà, en un tour de main, tous les problèmes résolus. Au surplus, Malet a une telle confiance en soi que rien ne saurait l’étonner. Sa popularité dans le pays de Nassau est telle que, sur un simple désir qu’il fait exprimer sous-main, ses amis lui ont fait offrir, pour les charrois, 400 chevaux, au lieu de 228 dont il avait besoin. Tout irait à merveille à son gré si l’on ne changeait pas encore une fois le général en chef. Biron s’en va prendre le commandement de l’Armée d’Italie et on assure qu’il sera remplacé par Desprez-Crassier.