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« Je vous demande cinquante messes, et le contenu de ce coffre vous appartiendra, à vous et à Frère Giovanni. Dès qu’on m’aura déposée dans le caveau, vous viendrez l’ouvrir : il vaut cent ducats. » Là-dessus elle meurt. Vers le soir on fit les funérailles. Toute la ville y était. Le cercueil sortit de la maison, suivi du coffre que quatre frères portaient sur leurs épaules. L’émotion de la foule à la vue du cercueil se dissipa à la vue du coffre. On fut d’abord ébahi ; puis on se prit à penser tout haut. « Qu’est-ce que c’est ? Un coffre de mariée ? Un coffre à vendre ? Est-ce son ménage que la Montanina emporte ? Eh ! là-bas, les bons frères, cela ne vous suffit donc pas d’enlever les morts ? Il faut encore que vous déménagiez les maisons ! » Les gamins se mirent de la partie et les pierres commencèrent à pleuvoir. Un des frères lâcha le coffre : « Que diable faites-vous ? » s’écria Vannino. A cette voix épouvantable, les trois autres déguerpirent. Heureusement les deux héritiers. Frère Ramondo et Frère Giovanni, soutenus par leur cupidité, s’en emparèrent, et, sous les horions, parvinrent à le traîner jusqu’à San Domenico. Quand ils descendirent la nuit dans le caveau funèbre où la Montanina s’était réveillée, et qu’ils ouvrirent le coffre au trésor, ils en virent surgir un démon l’épée à la main. L’un mourut de peur, l’autre devint fou. Et les deux amoureux d’un pied léger s’enfuirent jusqu’à Milan.

Mais Sermini est beaucoup plus Siennois lorsqu’il s’inspire des véridiques histoires de Sienne. Il en est une que nous retrouvons rapportée chez Muratori, et qu’il a traitée tout à son honneur. Le jeune Anselmo Salimbeni aimait une jeune fille dont le séparaient sa fortune et une vieille rivalité de famille. Le frère de cette jeune fille, accusé de conspiration, fut condamné, sous peine de mort, à payer quinze mille florins. Anselmo paya la somme, sans rien dire. Remis en liberté, le jeune homme finit par apprendre le nom de son sauveur. Le soir même, précédé d’un petit serviteur qui portait une lanterne, il conduit à Anselmo sa sœur Angelica, dans sa belle robe de drap vert. « Nous sommes à vous, corps et âme, » lui dit-il ; et il se retira, laissant la jeune fille. La scène de Sermini a de la beauté dans sa franchise. Angelica est pure, mais elle n’est pas naïve. Elle admire le sauveur de son frère, et sait pourquoi elle est venue. Elle s’offre à Anselmo. Mais le jeune homme garda longtemps le silence et, ayant enfin poussé un