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pas qu’elle ne vaut rien et qu’il faut la détruire ; il faut travailler à former d’autres hommes par une bonne éducation. »

En attendant, il est proscrit lui aussi et il peut se consacrer, comme Beauharnais, à l’éducation des générations nouvelles, pourvu que les frères et amis de Dôle lui en laissent le loisir.

En ce temps où la suspicion est à l’ordre du jour, chaque individu ayant rempli une fonction s’efforce de tirer des certificats élogieux de ses chefs, de ses camarades, de ses subordonnés et des Frères et Amis qu’il a rencontrés : Malet n’y manque point et, quittant ainsi l’Armée du Rhin, il emporte une attestation donnée au quartier général de Wissembourg, le 25 septembre 1793, par l’État-major tout entier, le général en chef à la tête. Ce certificat a été rédigé par le général Clarke, alors chef de l’État-major général, et Clarke y ajoute de sa main ces extraordinaires éloges : « Je certifie que le citoyen Malet a, dans toutes les occasions, donné des preuves de patriotisme et d’amour pour la République une et indivisible. Je certifie de plus qu’à l’affaire de Rothweiler, le 14 septembre de cette année, l’adjudant général Malet conduisait l’attaque de la droite, quoique très malade, et qu’il a emporté les redoutes des ennemis et contribué singulièrement à leur déroute complète. Je certifie de plus qu’après cette affaire et que le succès eut couronné l’entreprise, le citoyen Malet est tombé de défaillance, ayant fait un effort surnaturel et vaincu la maladie pour combattre l’ennemi... »

Muni de ces certificats, « le dit Malet, » dès son arrivée à Dôle, vint, conformément à la loi, se présenter au comité de surveillance qui daigna le recevoir le 5 octobre 1793 et l’admettre dans sa ville natale. Cinq mois plus tard, un nouveau décret ayant autorisé le Comité de Salut public et les représentants aux armées à employer par exception les anciens gardes du roi, Malet, qui se trouvait dans une position précaire, obtint que le représentant Rougemont, chargé de l’embrigadement, le prit avec lui, le rétablit dans son grade et obtînt ensuite sa réintégration à l’Armée du Rhin. Il la rejoignit à Neustadt, le 10 nivôse de l’an II (8 janvier 1794), et fit toute la campagne avec elle, mais sa présence au corps n’empêcha point les orateurs du club de Dôle de le prendre à parti.

Ce qui achève le caractère de Malet c’est son goût à commander.