Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnage ; dès que le Directoire avait été constitué, il avait été nommé directeur du Cabinet historique et topographique militaire et son autorité primait de loin celle du ministre de la Guerre. Le 25 germinal an IV (14 avril 1796), Clarke écrit à l’adjudant général Malet : « Le travail de l’Armée de Rhin et Moselle vient d’être arrêté et signé par le Directoire exécutif. Je m’empresse, mon cher Malet, de vous annoncer que vous y êtes compris dans la colonne des adjudants généraux. Cette justice était due à celui qui, en 1793, contribua si puissamment à l’avantage considérable que nous remportâmes sur les émigrés et les Autrichiens au camp de Rotweiler. Je crois, mon cher Malet, que vous n’avez pas un instant à perdre pour disposer tout ce dont vous avez besoin pour rejoindre l’armée dans laquelle vous allez servir. Si le général Moreau qui doit la commander et qui est logé chez le ministre de la Guerre, est encore à Paris, vous feriez fort bien de l’aller voir le plus tôt possible. Je vous embrasse de tout mon cœur. »

C’était un grand service que Clarke lui rendait, car Malet avait dû solliciter un traitement de réforme en alléguant « que le délabrement du peu de fortune qui lui restait rendait cette mesure pressante et de pleine nécessité ; « à présent, il se trouvait non seulement rétabli à solde entière, mais, quoique faisant nominalement partie de l’Armée du Rhin, détaché à la 6e division territoriale dont le siège était à Besançon. Il était donc a portée d’y exercer sur ses compatriotes du Jura une influence décisive.

Si le général Labarollière qui commandait la division était resté sans doute eût-il arrêté les empiétements de Malet, mais il venait d’être remplacé par un certain général Muller qui simple soldat en 1789, adjudant-général, général de brigade et général de division dans la même année 93, représentait au naturel le soudard au langage bas, aux mœurs ignobles ivrogne, butor et, il n’est pas besoin de le dire, d’une révoltante incapacité. Malet le prit en main pour profiter de son autorité. Aspirant de longue date à jouer un rôle politique, il profita des circonstances qui lui assuraient une telle influence dans son pays et se présenta aux élections qui durent suivre le 18 fructidor.

Il parait que Malet n’était point goûté par les représentants du Jura. Ils disaient qu’il « pratiquait des manœuvres dans