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ramenait chez lui. » Il en fut ainsi lors du Te Deum chante pour la promulgation du sénatus-consulte du 28 floréal an XII, proposant au peuple français l’hérédité de la dignité impériale dans la famille de Napoléon Bonaparte.

Comment admettre dès lors que Malet ait écrit au sujet de la Légion d’honneur dont il avait été nommé membre le 20 frimaire, comme au sujet de l’établissement de l’Empire, les lettres qu’on lui a prêtées et que démentent à la fois ses actes et ses démarches ? Eût-il été assez maladroit pour se poser ouvertement en adversaire d’un gouvernement dont il cherchait la faveur par ses délations spontanées ? Toutefois au même moment où il se faisait accompagner à la cathédrale de Saint-Pierre par tous les tambours et les hautbois de la garnison, « il refusait d’illuminer, quoique tous les fonctionnaires et les habitants l’eussent fait à l’envi sur l’invitation de la municipalité. »

Le préfet pouvait justement écrire au ministre de l’Intérieur : « Tout le soin que je mets à rapprocher les esprits, il l’emploie à fomenter des divisions entre les citoyens et notamment entre le civil et le militaire... J’ai obtenu des succès dans le département de la Charente ; il n’y a qu’un moyen de compromettre ce résultat, c’est de laisser un homme qui marche en sens inverse de l’autorité civile. »

L’Empereur prononça le changement de Malet, mais celui-ci protesta (23 prairial an XII — 12 juin 1804j. En faisant valoir les services essentiels qu’il avait rendus, il revenait sur sa dénonciation contre les émigrés, « sur les manœuvres employées dans un département où l’esprit de quelques fonctionnaires qui s’y trouvent nécessite plus de surveillance qu’on ne pense généralement. » Il dénonçait le préfet « qu’il savait depuis longtemps fatigué de sa surveillance ; » il dénonçait le capitaine de gendarmerie pour lequel le maréchal Moncey avait pris parti ; il dénonçait le sénateur Garnier-Laboissière — à qui il avait eu fâcheusement affaire à l’Armée des Grisons, et, ayant daté sa lettre de « la 1re année du règne de Napoléon, » il la terminait par cette phrase qui ne semble point d’un adversaire de l’Empire ; « J’ose donc espérer. Sire, que vous accueillerez ma réclamation et que vous voudrez bien changer un ordre qui deviendrait un acte d’humiliation pour moi et pourrait faire croire au public que j’ai démérité de Votre Majesté qui, après s’être fait