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avec le royaume de Naples Les grandes routes étaient, infectées de brigands et le célèbre Fra Diavolo, débarqué tout frais de Sicile, tenait la campagne avec treize cents hommes, alors que Malet, à Terracine, disposait à peine de six compagnies du 4e régiment italien et de cent chevaux hanovriens. Ses opérations le menaient à Velletri, à Terracine, sur tous les points des États romains ; mais, bien qu’il eût officiellement son quartier général à Civita Vecchia, il s’était établi à Rome, ayant, après le départ du général Duhesme, assumé le commandement de la division : pour quoi il avait fixé son choix sur le palais Rinuccini, malgré que le propriétaire l’eût loué à l’ambassadeur de Portugal. Il refusa de le quitter, même pour un appartement au palais Colonna.

Alquier, ambassadeur de France à Rome, avait, au début, marqué à Malet un goût particulier ; ainsi lui écrivait-il « des lettres pleines de tendresses et d’égards. » Il fallait pour qu’il se brouillât avec lui, qu’il eût de justes motifs. A vrai dire, il n’en manquait pas.

L’Empereur entretenait près le Saint-Siège Apostolique un ambassadeur qui, en succédant au cardinal Fesch, n’avait rien abdiqué de ses prérogatives, et qui devait se montrer d’autant plus jaloux de ses droits que sa situation à l’égard du pape, comme à l’égard de ses collègues du corps diplomatique, était rendue plus compliquée par la présence d’un chef militaire qui affectait de vivre à Rome et d’y exercer une autorité indépendante. Alquier ne pouvait passer pour avoir un caractère difficile : il vivait dans les termes d’amicale sympathie avec tout son personnel : Edouard Le Febvre, secrétaire de l’ambassade, Stamaty, consul général, David, élève consul ; il s’efforçait d’entretenir de cordiales relations avec les Français et les étrangers qui passaient à Rome : même avec le sénateur Lucien qui y vivait en prince républicain et dont chacun des actes semblait un blâme ou une attaque contre son frère. Alquier n’avait pas été sans reconnaître les dangers d’une intimité avec lui et bien qu’il eût laissé son personnel fréquenter le sénateur et prendre part aux divertissements tragiques qu’il se plaisait à donner avec Mme Jouberlhou, il se tenait personnellement à l’écart.

Malet, dès son arrivée, s’était précipité chez Lucien. Celui-ci, dans ses Mémoires, avoue » des entretiens plus ou moins confidentiels,