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notion qualitative se substituer à la notion purement quantitative des anciens énergétistes.

Les « vitamines » sont un exemple plus récent et beaucoup plus suggestif encore de la nécessité d’une sorte de spécificité alimentaire.

Comme le remarquent les docteurs Weill et Mouriquand, qui ont contribué beaucoup à faire connaître ces notions nouvelles en France, il semble que la conception qui a amené les découvertes récentes dans ce domaine soit primitivement médicale.

Depuis longtemps les vieux auteurs avaient remarqué que certaines maladies curieuses, telles que le scorbut et le béribéri, qu’on observait chez les marins et dans les collectivités mal ravitaillées étaient dues au manque d’aliments frais. On savait que les symptômes de ces maladies aboutissaient fatalement à la mort en l’absence de ces aliments, disparaissaient au contraire avec une rapidité extraordinaire, si on fournissait aux malades une quantité même très faible de nourriture fraîche. C’étaient, comme on dit maintenant, des « maladies par déficience » de certains aliments ou, comme on dit mieux encore, ou du moins d’une manière plus française et moins barbarement néologique, des maladies par carence.

Tout en somme paraît se passer dans ces maladies comme si les troubles provenaient du manque, dans l’alimentation, de substances, qui ne sont indispensables qu’en très petites quantités, que contiennent les aliments frais et qui ne rentrent pas dans les trois catégories classiques d’aliments, à savoir : sucres, graisses, albuminoïdes. — Ce sont ces substances qu’on a appelées d’un nom peut-être impropre, mais que l’usage, ce tyran du verbe, a consacré : les vitamines. C’est, je crois, le physiologiste Funk qui a créé ce mot ; il a d’autres titres plus importants à laisser une trace dans ce domaine et qui sont ses travaux.

La question des maladies par carence n’est entrée dans la voie scientifique que lorsqu’on a réalisé expérimentalement ces maladies. Du coup, les découvertes n’ont pas tardé à se succéder. Les premières datent d’il y a peu d’années.


Dès 1897 Eykman ouvrait la voie. En nourrissant des oiseaux, — pigeons, poules, — avec du riz brut, ces animaux restaient en bonne santé. Mais en les nourrissant avec du riz décortiqué, ou comme on dit aussi du riz glacé, c’est-à-dire débarrassé de la pellicule qui