Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/859

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ALSACE ET LA LORRAINE
AU LENDEMAIN DE LA DÉLIVRANCE

L’Alsace et la Lorraine désannexées semblent être en ébullition. Les anciens partis y reprennent leur action encore un peu désordonnée ; de nouveaux groupements essayent de se constituer. La politique française a quelque mal à s’implanter dans des provinces, qui ne la connaissent qu’imparfaitement. Les étiquettes nouvelles ne correspondent pas aux habitudes du pays. Même chez les socialistes l’accommodation se fait difficilement. A part quelques radicaux, qui se sont trouvés immédiatement à l’aise dans l’ancien programme anticlérical du parti français, les autres groupes cherchent leur voie et ne trouvent, dans le Parlement français, sous sa forme actuelle, aucun groupe frère. De là une confusion étrange, dont il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure ; car le temps seul pourra opérer le tassement nécessaire et les accommodations inévitables.

Pour l’heure, ce manque d’harmonie, entre ce qui fut et ce qui fatalement sera, produit une recrudescence de l’esprit particulariste. Les Alsaciens et les Lorrains voudraient rester chez eux, ou plutôt entre eux. Ils rêvent d’un régionalisme quelque peu exclusif. Maintes choses les surprennent dans le milieu où ils sont appelés à vivre désormais. Ils seraient désireux de s’y créer une sorte de domaine réservé, où il leur serait loisible de maintenir leurs traditions et de régler à leur guise leurs intérêts particuliers.

Il y a surtout, dans cette revendication, une grande crainte de l’inconnu, que la vie en commun fera disparaître, mais dont on aurait tort de ne tenir aucun compte. Pour apprécier la mentalité d’un peuple, il importe de se rappeler les épreuves