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gouvernement impérial de Trieste ; ou bien elle l’est tout à fait redevenue en 1776, lorsque Marie-Thérèse l’en détacha et l’assigna, comme telle, à la couronne de Hongrie ; situation de fait et de droit que reconnut en 1807 la Diète hongroise, qui emploie, pour la qualifier, la formule : Separatum Sacræ Regni Coronæ adnexum corpus.

Extérieurement, depuis 1466, Fiume parait n’avoir plus eu de liens avec l’Italie. Mais, fait observer M. Icilio Bachich, la fantaisie de Marie-Thérèse ne peut abolir l’histoire, détruire tout un passé, masquer l’identité des traditions, des usages, des coutumes et de l’idiome, ni faire que Fiume ne soit pour l’Istrie orientale ni plus ni moins que ce qu’est Trieste pour l’Istrie occidentale. En somme, au point de vue historique, les droits que l’Italie invoque sur Fiume, sont les droits mêmes de Rome : héritière de Rome, elle revendique avec sérénité tout l’héritage de Rome.

D’autre part, elle tire de la statistique des arguments plus modernes, sinon plus positifs. En acceptant les chiffres fournis par les dénombrements officiels hongrois, — et Dieu sait ce qu’on pourrait leur reprocher ! — la population de Fiume, s’élevant à 54 000 âmes, serait composée de 6 000 Magyars, 15 000 Slaves (Croates, Serbes, Slovènes, Slovaques, etc.), 27 000 Italiens sujets de la Monarchie austro-hongroise et 4 000 Italiens du royaume ; au total, 31 000 ; nationalités diverses, 2 000. Il en résulte que la population de Fiume est en majorité italienne, qu’elle n’est ni hongroise ni slave ; ses dispositions et ses inclinations répondraient d’ailleurs à la voix du sang, et elle les a clairement affirmées lorsque l’occasion lui en a été offerte, notamment par la résistance qu’elle a jadis opposée aux troupes croates de Jellachich.

Les motifs d’ordre économique se résument dans l’importance du port de Fiume, le danger qu’il y aurait à le laisser entre des mains étrangères, la concurrence, peut-être ruineuse, qu’il permettrait de faire à Trieste. Son trafic, en effet, est considérable. Il a derrière lui un vaste « hinterland, » slave au Sud, maygar au Nord. Un réseau de chemins de fer, parfaitement combiné, le met en communication par Agram et la Croatie avec Budapest, la Hongrie, la Roumanie, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, d’un côté ; de l’autre, le tronçon qui s’y raccorde à San Pietro ouvre l’accès de Fiume aux marchandises parties de Laybach, de Graz, de Vienne, de Prague, de Galicie, de Pologne. Le mouvement commercial, importations et exportations réunies, représentait, en 1912, trafic maritime : 1975 479 tonnes ; trafic par chemins de fer : 1 846 703 tonnes ; soit une valeur en argent,