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A ce moment court, à travers l’armée allemande angoissée, le mot d’ordre donné par le kronprinz de Prusse à ses soldats : « Coûte que coûte. » C’est, en dépit de la démoralisation qui se propage, pour quelques jours encore, le solide soldat allemand à qui est jeté ce suprême appel, et le désespoir, s’il peut parfois paralyser la défense, peut aussi la surexciter. Et ce soldat a encore sous les pieds une position magnifique. C’est pourquoi l’assaut décisif ordonné doit à ses débuts se heurter à une résistance qu’il faudra user là où on ne saurait encore la forcer. On l’usera donc, et c’est des combats ingrats, âpres, cruels parfois de cette dernière quinzaine que sortira soudain la marche victorieuse des premiers jours de novembre.


LA SUPRÊME RÉSISTANCE ENNEMIE
21-31 OCTOBRE

Le 19, l’Etat-major des Armées des Flandres avait distribué les rôles. C’était à la 2e armée britannique (Plumer), maintenant au delà de la Lys, qu’incombait cette fois l’effort principal. Son avance rapide vers l’Escaut, la droite en avant, devait avoir pour résultat final de faire tomber de proche en proche les plateaux entre Lys et Escaut. « Sans attendre le résultat de cette manœuvre et pour la précipiter, » l’armée française (6e) pousserait des têtes de pont sur la Lys jusqu’à la route Courtrai-Deynze. L’armée belge chercherait également à franchir de vive force le Canal de Dérivation. Le lendemain, la manœuvre de rabattement général vers le Sud-Est était prescrite ; l’armée française chercherait à atteindre l’Escaut, nettement, au Sud de Gand ; l’armée Plumer, se redressant vers l’Est, franchirait la Dender au Nord de Messines et la Senne au Nord de Hal. L’armée française marcherait en direction de Bruxelles, la belge sur Malines.

Pendant la nuit du 21 au 22, Plumer fit occuper la rive Ouest de l’Escaut de Bailleul à Heichin ; les détachements français franchirent la Lys et se portèrent vers l’Est ; l’armée belge progressa vers le Canal de Dérivation.

L’ennemi semblait décidé cependant à résister. Contre les Belges, il réagit vivement le 22, et c’est en dépit d’une opiniâtre opposition, que les Français développaient de 3 kilomètres vers l’Est leur tête de pont au Sud de Deynze et franchissaient la Lys