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de conserver en Courlande une porte ouverte sur l’ancien empire des Tsars. De là les agissements, encouragés sous main, de leur soldatesque, dont le chef, von der Goltz, se croyant inexpugnable, a osé répondre par des insolences aux questions des commissaires alliés. C’est aux Puissances de ne pas tolérer dans les provinces baltiques la présence de ce condottiere et de ses semblables. Elles ont à leur disposition des moyens de pression énergiques, le blocus économique et le blocus alimentaire de l’Allemagne. Qu’elles n’hésitent pas à les employer et à serrer la vis chaque fois qu’il en sera besoin.


V

Il me reste à tirer quelques conclusions de ce que j’ai vu et recueilli à Berlin. Mais je me défends de vouloir faire des pronostics, n’ayant nulle prétention au don de seconde vue. Je me contenterai de dire ce qui parait probable.

Le Traité de Versailles sera-t-il exécuté par l’Allemagne ? Les Allemands songent-ils déjà à la revanche ? Voilà, si je ne me trompe, en termes nets, les deux questions qu’on agite dans les entretiens privés, dans la presse et, sous une forme plus oratoire, à la tribune des Parlements.

Que les vaincus escomptent une révision du traité, une atténuation de ses clauses les plus onéreuses ; qu’en attendant, ils l’exécutent avec toute la lenteur, toute la mauvaise grâce possible, en récriminant, en ergotant, en chicanant, cela ne surprendra personne. Qu’ils s’efforcent surtout de traîner en longueur le règlement de leur frontière de l’Est, de conserver un pied en Courlande, de profiter des moindres circonstances, de tirer parti de tous les incidents qui surgiront de ce côté, rien ne parait plus certain.

La question de la haute Silésie, ce bassin houiller dont ils ont besoin, les passionne plus que toutes les autres : la plupart des télégrammes affichés chaque jour sous les Linden et devant lesquels se presse la foule des promeneurs ont trait à la situation de cette province mi-allemande et mi-polonaise. : On sent bien que l’arracher à l’Allemagne, c’est lui enlever un lambeau saignant de sa chair. Il est urgent que les Puissances tiennent la main avec toute la fermeté nécessaire à l’exécution de leurs décisions. Tant que l’Allemagne conservera