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fait dans les mœurs, et de s’y fixer. Mais d’autres peu à peu s’effaceront, et c’est là qu’il importe d’avoir quelques idées directrices, si l’on croit que l’humanité peut et doit collaborer à sa propre histoire.

Hier il s’agissait de vaincre, demain il s’agira de vivre. Or vivre, pour un peuple, c’est durer, c’est remplir et renouveler ses cadres, en un mot c’est croître et multiplier. Quelle peut être la répercussion de la participation au travail social, que la femme accepte et réclame, sur la fonction qui reste sa fonction essentielle ? Grave problème, un des plus graves de l’heure présente, où tous sont graves. Il semble que l’on soit pris dans un douloureux dilemme. On ne peut se passer du travail de la femme. Or pourra-t-elle travailler sans déserter dans une certaine mesure son devoir propre ? La femme travaille, et le nombre des enfants diminue ; elle ne travaille pas, et la production nationale subit un déficit. La vie sans doute trouve des solutions que la réflexion humaine n’entrevoit pas, surtout quand c’est de la vie qu’il s’agit. Ouvrières et paysannes ont depuis longtemps des enfants, parfois même plus d’enfants que d’autres plus oisives, et réussissent à les élever. Pourquoi la classe, qui était autrefois aisée, aurait-elle besoin de plus de loisirs pour la même tâche ? Il y aura sans doute au début une certaine résistance des habitudes prises, et quelque difficulté à concilier les obligations, auxquelles on se donnait sans partage, avec les exigences nouvelles d’une profession, quelle qu’elle soit. Ces obligations saintes souffriront de la concurrence qu’on leur aura créée. Mais cela n’aura qu’un temps. La vie reprendra ses droits...

Voilà les raisons dont on se paye. Est-il besoin de dire qu’elles ne satisfont qu’à moitié ? Le temps que les mœurs mettront à s’adapter, mais ce sera le temps précieux par excellence, ce seront les années qui suivront la guerre, et où l’avenir des races se fixera. Y en aura-t-il une qui aura su vaincre, mais ne saura pas profiter de la victoire ? qui aura eu le courage de mourir, et n’aura pas celui de vivre ? Car c’est une forme de courage aussi pour un peuple qu’un vouloir-vivre énergique, et qui se subordonne le reste. Les adaptations espérées seront lentes, et le temps perdu ne se rattrapera pas.

Certes il n’est pas de carrière qu’il soit moins question de contester à la femme que la carrière de l’enseignement. Il n’en