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Donc les femmes, beaucoup de femmes du moins travailleront ; mais elles ne disputeront pas aux hommes leur travail. La solution est qu’elles aient un travail à elles. Et ce ne sera pas seulement la tenue de leur ménage, et l’éducation de leurs enfants qui avaient suffi à tant de générations, et établi entre les hommes et les femmes un équilibre de fonctions sur lequel nous avons dit déjà que reposait ce chef-d’œuvre : la famille. Elles auront des fonctions extérieures elles aussi, et ne seront plus seulement les servantes du foyer. Mais on peut imaginer qu’entre les deux sexes les fonctions se répartissent peu à peu, au lieu que chacune d’elles devienne un terrain de compétition et de lutte. A la ferme, en temps normal, on distingue ce qui est besogne d’homme et besogne de femme, ce qui n’empêche pas de se remplacer les uns les autres, en cas de besoin. On peut imaginer, sans utopie, que dans la société se fasse un départ analogue, où les lois présumées de l’évolution seront moins méconnues. Il serait téméraire de procéder par décret, et d’arrêter a priori un classement des emplois et des carrières féminines. Parmi toutes celles où nous avons vu les femmes s’essayer, dans lesquelles se fixeront-elles ? L’expérience fera son œuvre ; la raison aussi qui, en temps de crise, n’avait plus voix au chapitre, reprendra la parole ; et, avec elle, la psychologie et la physiologie féminines feront entendre des arguments qu’on ne peut négliger longtemps sans danger pour la santé physique et morale des femmes et de ceux qui naîtront d’elles.

Il y aura sans doute des fonctions limites, que les femmes et les hommes pourraient remplir indifféremment, où peut-être même hommes et femmes continueront à se rencontrer. L’enseignement, et aussi quelques industries, connaissaient parfois cet état d’indivision entre les sexes dès avant la guerre. L’indivision est un mauvais régime économique, et il est à désirer que l’homme abandonne à la femme, puisqu’elle demande sa part, tous les emplois où il apparaît qu’elle excellera, plutôt que de chicaner sur des attributions contestées. L’assistance et l’hygiène, par exemple, pour parler de fonctions publiques, puisque aussi bien celles-ci sont plus particulièrement visées, et, encore une fois, sans qu’il soit question d’apporter trop de précision dans ces prévisions, semblent devoir entrer dans le domaine de la femme. Nous avons déjà vu la femme pénétrer dans ce domaine ; il faut qu’elle y règne. Déjà