Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« paix de l’Église » de 1668, de la réconciliation entre le jansénisme et le gouvernement. Avec la duchesse de Longueville, il a peut-être des rapports de voisinage, ou bien par Pavillon, qui soumet à la sœur de Condé tous ses écrits gallicans. Il peut être en rapports, par son ami Saumaize, avec sa nièce, la comtesse de Brégy, dame d’honneur d’Anne d’Autriche, femme d’esprit et de plume, qui, vers 1665, vient d’écrire aux jansénistes, pour les amener à résipiscence, une belle lettre respectueuse, les adjurant de se conserver à l’Eglise qu’ils illustrent, et de faire céder leur science à leur vertu. Bossuet, par ces contacts ou ces liaisons, pouvait donc être persona grata quand, en septembre 1664, il s’achemina vers la fournaise mystique.

Non pas, prenons-y garde, qu’il se soit rendu alors à Port-Royal, pas plus au couvent de Paris qu’au couvent des Champs.

Le 26 août 1664, pour vaincre les opiniâtres, pour triompher d’elles en les disjoignant, on en avait disséminé une douzaine en divers monastères où elles étaient quasi prisonnières. Le couvent de la Visitation Sainte-Marie, du faubourg Saint-Jacques, avait ainsi reçu la mère Agnès de Saint-Paul Arnauld et sa nièce, la sœur Marie-Angélique de Sainte-Thérèse Arnauld. C’est au couvent de la Visitation, c’est à ces deux religieuses, à peine arrivées en leur lieu d’internement, que Bossuet fut envoyé.

C’était trop tôt ou trop tard. Le moment n’était pas propice. L’ « exil » des religieuses, à elles annoncé trop à l’avance, avait été précédé d’une attente énervée, d’un surcroit de scènes émouvantes et d’exaltation. Le « saint désert » des Champs, en particulier, tout le long de cet été menaçant, ne cessa de retentir de plaintes, jusqu’au jour de l’exode. De tous les saints et saintes dont les fêtes liturgiques tombaient en cette saison, — saint Pierre et saint Paul, saint Bernard et saint Laurent, et la Vierge Marie, — « les filles de Sion » implorèrent successivement le secours, dans les formes les plus pathétiques. C’est ainsi que toute la communauté rédigeait pour les célestes avocats des « requêtes, » dont, avant la messe, le papier couvert de signatures était solennellement déposé sur l’autel. C’est ainsi qu’à Dieu même, le couvent adressait, directement, ce fameux « appel, » dont les ennemis se scandalisèrent ou firent des railleries, mais qui, sans doute, en sa candeur poétique, toucha le public : « Puisque la terre pour nous est devenue de bronze, puisque les Cieux pour nous sont devenus de fer, à