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de vous-mêmes que vous avez juré à Dieu au jour de votre profession. »


III. — POURQUOI LA LETTRE A PORT-ROYAL NE FUT PAS REMISE.
LE POINT CULMINANT DE LA CRISE JANSÉNISTE

Cette belle lettre qui, par la netteté avec laquelle un problème capital y était posé, constitue un document important dans l’histoire des idées religieuses françaises, n’alla pas à son adresse. Elle ne fut ni remise, ni même envoyée : cela paraît incontestable. Quand elle fut imprimée en 1709, les religieuses déclarèrent ne posséder aucune trace de sa réception. Elle s’arrêta sans doute aux mains de Péréfixe. Diverses explications en ont été données, peu valables, comme le prouvent en leurs notes les nouveaux éditeurs [1], qui n’en proposent point, que je sache, une nouvelle.

C’est, je pense, parce qu’ils estiment que cette explication ressort, d’une part, des faits même de l’histoire du Jansénisme et du couvent de Port-Royal en 1665, et, d’autre part, de la façon même dont Bossuet prétendait amener les religieuses à la soumission.

En effet, l’été de cette année 1665 vit le Jansénisme insurgé s’autoriser, quoi qu’en pût dire Bossuet, d’appuis épiscopaux déclarés. Le pape Alexandre VII, par une bulle du 15 février 1665, donnée à la prière de Louis XIV, a substitué au Formulaire du Clergé de France un autre Formulaire, qui n’est guère moins précis et contraignant. A cette déclaration les évêques d’Alet, de Pamiers, d’Angers et de Beauvais répondent, du 1er juin au 31 juillet, par des mandements qui permettent ou prescrivent la distinction du fait et du droit, portent le débat devant le public, affectent, enfin, si vivement de défendre la doctrine de saint Augustin qu’ils accusent par là même le Saint-Siège de la trahir ou de la compromettre [2]. A ces mandements, dont la portée était grave, aucune restriction n’est apportée par les « Quatre évêques, » dans l’été de 1665. Bossuet avait peut-être rédigé, avant que ces mandements n’eussent été rendus publics, tout ou partie de sa lettre ; il avait cru pouvoir,

  1. Corresp. t. I, p. 87 et 129.
  2. Voir Ellies du Pin, Hist. ecclés. du XVIIe siècle, t. II, et Etienne Dejean, Nicolas Pavillon.