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l’acquisition d’une richesse, qui, ne l’oublions pas, appartient déjà, pour une grosse part, à des Français.


IV. — LE SEL GEMME

Les mines de potasse alsaciennes vont acquérir de la valeur en changeant de pays, par le fait seul qu’une frontière les séparera désormais de Stassfurt. Le cas ne sera pas le même pour les mines de sel gemme lorraines, qui rentrent en France, en y apportant une industrie de la soude connexe. Nous avions déjà trop de sel gemme pour notre consommation (sans parler des réserves illimitées que renferme la mer). C’est une matière qui ne se prête pas à l’exportation. L’industrie du sel est, je vais l’expliquer, pour des causes toutes différentes, un édifice aussi artificiel que celui de la potasse : édifice dont toute la prospérité repose sur des conventions commerciales entre producteurs et sur des limitations de production. Les mines de Lorraine ne pourront donc se faire leur place en France qu’en se substituant pour partie à nos industries antérieures, sans bénéfice général bien sensible. Aussi je serai très bref sur ce sujet.

En deux mots, la France consomme par an environ 1 400 000 tonnes de sel, dont 345 000, allant à la consommation domestique, ne sont susceptibles d’aucune augmentation. L’exportation, qui monte, en chiffres nets, à 130 000 tonnes, tend plutôt à se réduire qu’à augmenter par suite de la concurrence mondiale, très activement exercée pour une substance aussi commune. L’agriculture et la pêche n’absorbent qu’un petit tonnage sans intérêt d’environ 75 000 tonnes. Le seul chapitre où il y ait quelque marge est donc celui des industries chimiques qui, en temps de paix, se bornent presque au carbonate de soude et à ses dérivés : la fabrication du chlore pour gaz asphyxiants ou de l’hydrogène pour ballons devant être à peu près supprimée par la cessation des hostilités.

Cette industrie de la soude absorbe, en France, 660 000 tonnes de sel, ou de saumure, pour produire 390 000 tonnes de soude Solvay. Elle grandit d’année en année et elle est appelée à s’accroître désormais dans la mesure où nous réussirons à éliminer l’industrie chimique allemande. Mais, d’autre part, la Lorraine désannexée nous apporte des gisements organisés pour produire 335 000 tonnes de sel (y compris la saumure directement transformée