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coup d’État, quelques hommes qui ont accepté la nouvelle doctrine sincèrement et de bonne foi, mais, dans sa majorité, c’est la lie du peuple, un assemblage de pillards et, très souvent, de simples repris de justice. Quelques-uns, au cours des deux années qui ont suivi l’avènement du bolchévisme, ont été de nouveau repris comme voleurs et concussionnaires, mais les plus adroits restent « commissaires, » remplissent des fonctions importantes dans l’administration bolchéviste. Ils ont, pour tout signalement, qu’ils appartiennent officiellement, au « parti communiste. » Ces gens sont mal disciplinés, ne suivent pas les ordres des chefs dès que ces ordres ne répondent pas à leurs intérêts personnels ; leur élément naturel est l’anarchie des premières heures du bolchévisme, et ils s’appliquent de leur mieux à la faire durer. Pour Lénine, qui déchaîna la jacquerie et proclama la désertion, cette lie « communiste » du peuple russe apparaît toujours comme l’incarnation de la révolution. Il est des leurs.

Pendant les premiers mois du régime bolchéviste, toutes les administrations effectives du pays, à l’exception des mesures d’ordre général, étaient exclusivement entre les mains de cet élément louche et qui, en majeure partie, n’avait aucune éducation. Les bureaux de l’ancienne administration, dans un élan patriotique et désintéressé, au lendemain du coup d’État, avaient organisé une grève générale et avaient été congédiés. Les bolchéviks restèrent seuls à diriger tout. Un désordre indescriptible s’en suivit. Des ignorants, presque des illettrés, placés a la tête des affaires les plus sérieuses, se mirent à détruire l’appareil administratif en le remplaçant par un système d’abus, de vexations et de concussions. Les organes du centre n’avaient aucune prise sur cette nouvelle bureaucratie qui en faisait à sa tête et ne se préoccupait que de crédits à réclamer des caisses de l’État.

Ces premiers venus de la bureaucratie nouvelle gardaient leurs positions dirigeantes jusqu’à ce jour. Seulement, petit à petit, ils commencèrent, en se réservant toujours les premières places, à se dessaisir de la besogne journalière des bureaux en y appelant un personnel mieux qualifié. Ce personnel fut recruté parmi les anciens fonctionnaires qui, après quelques mois d’abstention, à bout de ressources et courant chaque jour le risque d’être arrêtés et écroués, furent obligés d’entrer dans les