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en viendrait peu à peu à conformer sa politique aux intérêts matériels et moraux de la nation. Il n’en a rien été. Ceux qui restent sujets de la république des Soviets suivent avec anxiété la marche des événements, espérant peut-être encore, contre toute espérance, que le jour viendra où le bolchévisme sera à bout de son effort destructif et tâchera de s’adapter aux besoins pressants des masses. Chaque jour leur apporte une déception. Le bolchévisme est, en réalité et par essence, incapable de s’améliorer. Non seulement il n’y a pas trace d’une évolution quelconque du régime, mais celui-ci devient chaque mois plus odieux et plus destructif.

Toutes les grandes plaies du bolchévisme que j’ai tâché de décrire sont inguérissables.

Commençons par le centre dirigeant bolchéviste. Lénine, dont la volonté fanatique domine la situation, est incapable de céder même un pouce de ses conceptions simplistes, de la révolution sociale et des rêves blanquistes et utopiques qu’il a caressés depuis de longues années. Ceux qui l’entourent ne sauront jamais le faire revenir au sentiment des réalités. Pour ses anciens acolytes, actuellement grands personnages du gouvernement central, c’est toujours Lénine qui reste l’incarnation vivante du dogme socialiste. C’est un chef que personne ne saurait remplacer. Personne n’a la volonté de Lénine, volonté qui seule permet de gouverner le pays en dépit de la haine générale dont le bolchévisme est entouré. Les bolcheviks comprennent qu’un coup d’état qui viserait à remplacer Lénine serait la fin de leur règne. La discipline dans les rangs des gouvernants, condition nécessaire pour la continuation de la lutte contre les courants hostiles chaque jour plus forts, s’évanouirait le lendemain de ce coup d’Etat, et le bolchévisme serait fini.

Lénine ne peut donc rencontrer d’opposition sérieuse au sein des bolcheviks influents, et il continuera à répéter jusqu’à la fin, dans un milieu entièrement changé, les formules utopiques et haineuses des premières heures du bolchévisme.

Est-il nécessaire d’ajouter que les nombreux bolcheviks au petit pied, les profiteurs du régime soviétiste ne peuvent amener un changement quelconque dans la situation ?

En dépit de toutes les promesses, consciemment fallacieuses, qu’il fait aux étrangers, promesses auxquelles des gens naïfs