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les prodigieux combats de la position Hindenburg, il ne mesure pas son admiration à l’Etat-major et aux troupes britanniques, il sait que, si, quelques jours, un Douglas Haig semble suspendre les progrès, c’est qu’il en prépare de plus grands encore. Un Pétain ne le rassure pas moins ; celui-ci a su garder, dans les pires heures, un calme imperturbable, un sens rassis, qui aux gens mal informés de ce caractère a paru excessive prudence ; ce calme bon sens le gare des pas de clerc ; il est une garantie qu’aucune aventure ne viendra soudain mettre en péril la bataille et, autour de lui, le Grand Quartier général de Provins, rompu au métier, travaille sans lassitude apparente à la grande œuvre des bureaux qui organisent les voies à ceux qui brassent le matériel, de ceux qui renseignent sur l’ennemi à ceux qui montent les opérations ; car aux veillées de Senlis les veillées de Provins font un digne pendant.

Enfin, autant que dans la maîtrise de ces états-majors, le grand chef a confiance dans l’inlassable courage du soldat qui exécute. Il a vu le soldat britannique à l’assaut, le soldat américain dans les combats et ne lui marchande ni son admiration ni sa reconnaissance. Quant au soldat français, nous savons ce qu’il en a toujours pensé : « activité, intelligence, entrain, impressionnabilité, dévouement, sentiment national, » écrivait-il de lui dès 1897, et ce ne sont certes point, après ces quatre ans de guerre, ces six mois de combats incessants qui ont pu, il s’en faut, ébranler sa confiance.

Sans doute, tout le monde, — des états-majors aux troupes, — se sent-il quelque peu épuisé ; mais l’on est en face d’un ennemi que l’on sait plus épuisé encore. Foch est celui qui, commentant la bataille de Gravelotte, a écrit : « Les forces physiques étaient à bout. Une dernière attaque exécutée par de faibles troupes pouvait, en pareilles circonstances, produire un résultat considérable : encore fallait-il que la volonté du général en chef ne se laissât pas dominer par l’état d’épuisement de ses troupes, qu’elle sût au contraire exploiter le dernier souffle des hommes et des chevaux, leur demander un dernier et suprême effort pour marcher à l’ennemi. » On arrive au « dernier quart d’heure, » et à ceux qui lui signalent la fatigue des troupes, il répond : « On est toujours fatigué le soir d’une bataille. Les armées victorieuses ne sont pas neuves. On est au soir de la bataille. » Il a confiance, mais il talonne, car il faut presser le mouvement :