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armées étaient, bien avant l’aube en mouvement. Quelques-unes ne s’étaient pas arrêtées de la nuit. C’est qu’elles sentaient que l’ennemi vaincu était à merci et pressentaient qu’acculé, il essayait encore de se dérober. Une fièvre singulière surexcitait les courages, galvanisait les fatigues ; on ne parlait pas de la paix, on ne parlait pas de l’armistice ; complètement possédé par l’ardeur de la poursuite, on marchait. Certains désirs particuliers aiguillonnaient tels et tels. Si la guerre devait finir ce jour-là, les Français entendaient la finir au cœur de Sedan, les Anglais sur le champ de bataille de Mons, les Belges dans Gand reconquis : c’est dans le même état d’esprit qu’à cette heure un Castelnau peut regarder Morhange qui, avant trois jours, doit être enlevé.

L’aube trouvait dans Sedan les soldats de Gouraud ; ils s’y rencontraient avec quelques éléments de l’armée américaine qui, en une pointe extrême, arrivaient eux aussi à ce fatidique champ de bataille. L’armée Guillaumat, dès les premières heures, faisait une forte avance, encore qu’à travers le terrain montueux et boisé situé à l’Est de Monthermé ; elle atteignait par sa cavalerie, avant 11 heures, Meillier-Fontaine-Chateau Regnault-Deuille bordant la Meuse entre Revin et Laifour. Rocroi avait été dans la nuit occupé par Humbert, et toute sa région, tandis que Debeney tenait, de Roule-Rance à la Haute-Minelette, la région de Chimay. Le jour vit nos troupes entrer à Chimay.

Les armées britanniques avaient, en pleine nuit, gagné encore un large terrain à l’Est de Maubeuge que déjà la 3e armée laissait à 6 kilomètres derrière elle. A l’aube, les Canadiens étaient entrés dans Mons et Horne marchait en direction de la ligne Nivelles-Charleroi. Plus au Nord, nos alliés pénétraient dans Ath et dès l’aurore dans Lessines. A Grammont, ils n’étaient plus qu’à 30 kilomètres de Bruxelles.

Les Français de Boissoudy y allaient tout droit, avançant à l’Est de Nederzalm et de Nazareth, tandis qu’à leur gauche, les troupes du roi Albert entraient, au milieu des acclamations, dans Gand reconquis.

Et déjà de ces lignes occupées en quelques heures, les troupes, sur tout le front, s’élançaient à de nouvelles conquêtes quand soudain tout se figea.

La dépêche qui, transmise du Quartier Général des armées