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nécessaire à transformer une défaite qui pouvait être promptement mortelle en victoire décisive.

J’ai dit longuement ce qu’était Foch. Nous connaissons son caractère et sa façon, ses principes et ses méthodes. La bataille ne fut que la constante mise en action d’un enseignement qui se justifia en s’appliquant. « Illuminé par la vue du champ de bataille, » il l’était aussi de cette lumière intérieure, ce « don divin » dont il avait parlé. Il avait dit qu’ « une bataille gagnée est une bataille où l’on ne veut pas s’avouer vaincu. » En pleine défaite, 26 mars, 10 avril, 30 mai, il ne voulut pas un instant qu’on s’avouât vaincu. Il avait dit que la meilleure défensive réside dans l’offensive. Tandis qu’on en était encore à se débattre contre la première offensive allemande, il préparait la sienne ; il n’en abandonna jamais la pensée ni la préparation ; il en réunissait les éléments alors que l’ennemi préparait sa formidable attaque de Champagne et il fut ainsi prêt à répondre, les temps étant révolus, à l’assaut malheureux de l’adversaire par la contre-offensive du 18 juillet. Il avait prôné la « bataille manœuvre » comme seule capable de procurer la victoire décisive et il avait, l’initiative ressaisie, monté pièce par pièce la plus grandiose manœuvre enveloppante qui se fût vue. Il avait dit : « Victoire égale supériorité morale chez le vainqueur, dépression morale chez le vaincu. » Il avait dès lors tout fait pour assurer à ses soldats la confiance par la victoire et provoquer, par des coups répétés, la ruine du moral adverse. Il avait dit que, pour tout terminer, il fallait le « coup de massue » des « réserves » et ayant, sans se lasser, constitué « ses réserves, » il avait su toujours donner « le coup de massue » et en préparait un suprême quand il fut arrêté. A faire adopter, avec ces principes, ses vues, ses plans, il avait déployé une prodigieuse activité : se confiant en un Etat-major dont le chef était digne d’une si haute estime, il courut les Quartiers généraux et les Postes de commandement, persuadant, convertissant, ordonnant et surtout convainquant. Chacun eut bientôt l’impression de sa présence réelle ; la bataille en fut, suivant son expression favorite, « animée. » Ne perdant jamais de vue l’action engagée, il la dépassait par ses vues, en précédait l’issue, et, avant que la conclusion ne parût proche, en tirait, pour former de nouveaux plans, les conséquences les plus rigoureuses. Son esprit actif et critique à la fois, le mettant toujours