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Les quarante-sept conseillers d’Etat et maîtres des requêtes, sont unanimes à déclarer que « l’intérêt public exige que le comte Frochot ne conserve pas la place de préfet de la Seine. » On peut même dire que c’est là une mesure de clémence, car le colonel de la Garde de Paris n’avait rien fait de plus que le préfet de la Seine : il avait cru à ce que Malet lui avait fait dire, de même que Frochot a cru à ce que Soulier lui a dit, et les préparatifs qu’il a ordonnés à l’Hôtel de Ville, montrent assez quelle confiance il a prise aux assertions de Soulier.

Reste à statuer sur les deux condamnés ! à mort de la Garde de Paris, auxquels le prince archi-chancelier et le Conseil des ministres ont accordé un sursis. Rabbe a une mentalité de tambour-major, et une intelligence assez bornée pour que, malgré ses longs services, ses campagnes, son dévouement, sa participation au procès du duc d’Enghien, il n’ait pu décrocher les étoiles de général. Sa culpabilité est des plus limitées et s’il n’a point empêché les délibérations des sous-officiers qui prouvent le mauvais esprit de la Garde, il n’a paru nulle part, n’a donné aucun ordre. On peut croire que, sans l’acharnement de Clarke, il eût été acquitté, ou n’eût point même été mis en jugement. Sa peine fut commuée en prison perpétuelle : dès le 11 mai 1814, il reçut de Louis XVIII des lettres de grâce, et il fut rétabli sur les contrôles ; le 18 octobre 1815 il fut mis à la retraite [1].

Restait Rateau. Le 28 octobre, lors de son interrogatoire devant la Commission militaire, Rateau s’était défendu d’avoir rien su des projets de Malet, et lorsque le Président lui dit : « Vous avez dû cependant être prévenu que vous deviez, soit la veille, soit le jour, être affublé d’un habit d’aide de camp, » il répondit avec une certaine naïveté qui impressionna favorablement : « Je demande pardon, ce n’est que dans le moment que le général me dit, après que j’eus dîné assez bien : Vous allez endosser un habit d’aide de camp, vous serez mon aide, vous serez à mes ordres et vous m’obéirez. » Lors de sa défense, il provoque quelque hilarité lorsqu’il termine son apologie par cette phrase : « J’appartiens à la famille Rateau. » Malet s’est chargé d’appuyer ses déclarations ; il a déclaré que Rateau était avide d’avancement : qu’il lui avait dit lui-même « que c’était l’envie

  1. Il mourut à Paris, le 10 octobre 1832.