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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/465

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l’impression, inconnue en France, de tout un peuple sans distinction d’âge, de sexe, ou de classe sociale qui se délasse sainement par l’exercice joyeux de ses muscles. Ainsi comprise, la semaine anglaise, comme aussi la journée de huit heures sont des conquêtes précieuses. Il s’en faut, hélas ! de beaucoup chez nous que les heures de loisir supplémentaires accordées depuis peu au peuple travailleur aient eu ce résultat. C’est faute d’habitude sans doute, d’éducation, faute aussi d’organisation et de terrains appropriés. Si bien que notre ouvrier était jeté soudain dans un repos diurne inaccoutumé : c’est la grisaille du « zinc, » bien plus que la verdure des terrains de sports qui a profité de ces réformes...

Pour en revenir à sir Robert Horne, voici les raisons fort convaincantes, ma foi, qui, à son avis, ont rendu la démobilisation anglaise plus malaisée encore que la nôtre : « Chez vous, m’a-t-il dit, la population est en majorité agricole, et on peut compter que plus de 70 p. 100 de vos démobilisés sont retournés d’emblée à la terre où leur main-d’œuvre s’est trouvée immédiatement utilisée. L’Angleterre au contraire a une population surtout industrielle ; or la plupart de nos industries avaient été complètement transformées en vue de la guerre et n’étaient pas prêtes à recevoir leurs ouvriers des temps de paix. Pourtant à l’heure actuelle, 90 p. 100 de nos mobilisés ont retrouvé un emploi. Un autre problème, et bien angoissant, se posait : c’est l’utilisation des mutilés et des inaptes. Nous avons, au point de vue des pensions, fait tout ce que nos finances nous permettaient pour eux, et puis le gouvernement est intervenu et nous avons fait retrouver leurs places à 700 000 d’entre eux. Si on excepte ceux qui sont encore traités dans les hôpitaux, il n’en reste plus que 40 000 à placer. Le gouvernement a considéré comme un devoir de conscience de s’occuper d’eux et le roi vient de signer un programme arrêté dans mon ministère et qui met tous les industriels dans l’obligation de réserver 5 pour 100 de leurs emplois aux inaptes. »

Comme je parlais ensuite à sir Robert Horne des grèves qui agitent le monde, et surtout de la grève des chemins de fer dont l’Angleterre est sortie si heureusement : « Il me semble que c’est un malaise universel que cette fièvre de grève qui ravage nos pays. Sans parler des habitudes de paresse que la guerre, en dépit de ses durs moments, a données à tant d’hommes, il semble que le conflit mondial ait précipité, ait accéléré dans le domaine social, à la fois les idées et les choses. Les ouvriers ont acquis dans ces années des avantages tels et en même temps leurs désirs légitimes et leurs prétentions sont