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la liberté est une condition nécessaire, sinon suffisante, du progrès intellectuel.

La France a Descartes, Laplace, Lamarck, Lavoisier, Ampère, Laënnec, Pasteur, et tant d’autres moins grands, mais grands encore. Vous avez, vous Anglais, tous ceux que j’ai dit. Nulle lignée scientifique ne peut être comparée à celles-là et c’est une raison de plus pour garder nos mains unies, longtemps, toujours, car il n’est point de nations qui comme les nôtres, et pour cela même, puissent préserver le monde de la bestialité.

Pour arriver à cet épanouissement cérébral, pour produire des types humains aussi achevés que ceux que j’ai nommés, il faut de longues générations, de séculaires et persistantes traditions, un raffinement prolongé et transmis d’âge en âge. Il en est de cela comme de ces gazons anglais, si beaux qu’on n’en trouve nulle part ailleurs de pareils. Mon ami Jacques Marsillac, qui est à Londres un des représentants les plus délicats de la pensée française, m’a dit à ce propos une anecdote charmante et suggestive. Récemment, au parc de Hampton Court, un Américain demandait au jardinier comment on obtenait d’aussi merveilleux gazon : « C’est bien simple, répondit l’Anglais, on rase l’herbe tous les jours et, au bout de mille ans, on a ce gazon ! » Cette réponse du jardinier est riche de sens ; je n’en veux point tirer la morale. Tirez-la les premiers, messieurs les Anglais !


CHARLES NORDMANN.