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allié. C’est là une expérience qu’elle ne doit pas pouvoir recommencer et contre la répétition de laquelle je suis en droit d’attendre que tu me garantisses. Je reconnais avec toi qu’il faudra du temps, du travail et de la patience pour décider la France à se joindre à nous, mais les gens raisonnables sauront, dans l’avenir, se faire entendre et écouter. Notre affaire marocaine est réglée à mon entière satisfaction, de sorte que le terrain est préparé pour une meilleure entente entre nous. Notre traité nous offre une excellente base sur laquelle on peut construire. Nous avons joint nos mains, nous avons signé devant Dieu qui a entendu notre serment ; je pense donc que le traité peut parfaitement venir en existence. Mais si tu désires quelque changement dans les mots, dans les clauses ou des réserves pour l’avenir ou pour certains cas, — comme par exemple le refus absolu de la France qui est improbable, — je serais heureux de connaître les propositions que tu croirais bon de me soumettre. Jusqu’à ce que tu me les aies soumises et que nous soyons tombés d’accord, nous devons adhérer au traité tel qu’il est. L’ensemble de ta presse d’opinion Novosto, Novoie Wremia, Rouss, etc., est depuis une quinzaine devenue violemment germanophobe et anglophile. Ils ont été, sans aucun doute, achetés partiellement par de grosses sommes d’argent anglais. Cela rend mon peuple soucieux et fait un grand tort aux relations qui grandissaient depuis peu entre nos deux pays. Tous ces événements montrent que les temps sont troubles et qu’il nous faut prendre des directions nettes ; le traité que nous avons signé est un moyen de rester dans le droit chemin sans toucher à ton alliance, comme telle. Ce qui est signé est signé et Dieu est notre témoin. J’attends tes propositions. Affections à Alice.

« WILLY [1]. »


Même après les déclarations faites par le gouvernement russe à Berlin, l’empereur Guillaume conserva encore, pendant plusieurs mois, sinon l’illusion, du moins l’espoir de garder son ascendant sur l’empereur Nicolas, et c’est seulement après la publication des instructions du comte Lamsdorff aux plénipotentiaires russes à Algésiras qu’il dut reconnaître définitivement son échec.

  1. Je crois me rappeler que ce télégramme, que j’ai eu sous les yeux, portait la signature : « Your friend and ally, Willy. » (ton ami et allié, Willy.)