personnelle. Il fut remplacé comme ministre des finances par M. Bark, un administrateur de banque intelligent et expérimenté, mais sans plus.
Dans la personne de Kokovtzoff, l’Empereur perdait un conseiller sincère, modéré et scrupuleusement véridique et l’Etat un financier sérieux et un ministre absolument intègre et « gentleman. » Son départ augmenta encore davantage les périls intérieurs et extérieurs de la Russie. Dans les questions de politique étrangère, Kokovtzow n’avait pas de système préconçu ; s’il en avait eu le pouvoir, il eût été enclin, — je le crois, — à subordonner presque complètement ces questions à celles de la prospérité économique de la Russie. Sincère ami de la France et des Français, Kokovtzoff était cependant souvent obligé de tourner ses regards du côté de Berlin, d’abord en vue des intérêts financiers immédiats de l’Etat et puis à cause de la crainte d’une rupture avec l’Allemagne. Personne autant que Kokovtzoff ne craignait pour la Russie la guerre, car il connaissait et notre manque de préparation militaire et surtout la sourde fermentation révolutionnaire qui pénétrait toujours plus profondément dans les couches populaires et qui gagnait chaque jour du terrain.
Le comte Kokovtzoff fut remplacé, comme Président du Conseil, par M. Gorémykine. Bientôt après sa nomination je visitai ce respectable vieillard et sa charmante et bonne femme. M. Gorémykine se plaignait amèrement de ce qu’on ne le laissait pas finir tranquillement ses jours. Lui et sa femme venaient d’installer très confortablement un des appartements de la maison qu’ils possédaient dans un quartier tranquille et distingué de Pétersbourg. En me faisant faire « le tour du propriétaire, » M. Gorémykine attira mon attention sur un détail : « Voici ma chambre à coucher, me dit-il, voici celle de ma femme, et la pièce qui nous sépare était destinée à la sœur de charité qui viendrait s’installer chez nous pour les maladies, hélas ! fréquentes tantôt de l’un, tantôt de l’autre. Vous comprendrez, rien qu’à ce petit détail, combien il me sera pénible de revenir à mon âge et avec mes infirmités à des fonctions que je connais si bien et qui nécessitent impérieusement des forces et un travail de toutes les heures. » — Et en effet, pendant les deux années et demie que Gorémykine resta cette fois au pouvoir, — jusqu’à ce que cet honnête homme fût