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télégramme prohibait au prélat le voyage d’Anvers, projeté pour le lendemain ; et des émissaires allemands, s’éparpillant dans le diocèse, troublaient d’un bruit provocateur le repos nocturne des villages et des presbytères, pour y saisir la pastorale, et pour édicter qu’elle ne serait pas lue.

Il n’était que sept heures du matin, le 4 janvier, lorsque l’adjudant von Strempel sonnait chez le cardinal, porteur d’un message de von Bissing. Le gouverneur général notifiait qu’il se refusait à transmettre à l’archevêque de Cologne une lettre « blessante pour l’Allemagne, » qu’il retirait au cardinal ses facilités de circulation, et qu’il lui demandait d’interdire à son clergé la lecture et la diffusion de la pastorale. En outre, il exigeait de savoir par quelles voies l’autorité archiépiscopale de Malines correspondait avec Albert Ier et George V, et pourquoi cette autorité, d’accord avec l’Angleterre, ordonnait des jours de pénitence. La consigne de l’adjudant était de rester à l’archevêché jusqu’à ce que fût rédigée la réponse. — Je lis mal ces caractères gothiques, lui dit le cardinal en lui rendant la lettre de von Bissing. — L’adjudant, très empressé, la transcrivit en caractères latins. Repassez dans la soirée, pria le cardinal. — J’ai ordre de rester là. — Je vous donne ma parole d’honneur que je ne sortirai pas de mon archevêché : me prenez-vous pour un brigand ? — J’attendrai, je ne suis pas pressé.

Onze heures sonnaient, déjà, à l’horloge de Saint-Rombaut : von Strempel, depuis quatre heures, se cramponnait à son siège, avec l’espoir qu’une fois séquestrée, la liberté du prélat fléchirait plus complaisamment. Voici une lettre-, fit le cardinal : il y priait von Bissing qu’on le laissât en paix jusqu’au soir, six heures : la réponse alors serait prête. L’adjudant, par téléphone, prit les ordres de Bruxelles ; les ordres furent : Attendez la réponse, à Malines même. Autour du cardinal, les conseillers s’agitaient ; certains craignaient pour lui la prison, l’exil ; des avis divergents s’esquissaient. Il émigra vers un autre conseiller, dans sa chapelle ; il se recueillit longuement, et puis rédigea sa réponse.

On ne voulait plus qu’il sortit de son diocèse : il n’en sortirait plus. On prétendait qu’il avait poussé à la révolte ; c’était le contraire, il avait dit à ses ouailles : « Vous devez, dans vos actes extérieurs, respecter les règlements du pouvoir occupant, sous la seule réserve de votre conscience chrétienne et de votre