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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/776

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Seulement, elle entend que l’épithète « suprême » qui la désigne ne soit pas un vain mot. Elle veut bien battre la Russie, mais avec son propre plan et non avec celui de Ludendorff. Bien plus, l’homme de Tannenberg, s’il reste aux côtés d’Hindenburg, sera trop près d’elle pour que sa forte voix ne s’y puisse faire entendre. On le désigne donc pour le poste de chef d’état-major d’une malheureuse petite armée (moins de deux corps d’armée) qu’on envoie dans les Carpathes afin d’y soutenir les Autrichiens défaillants. Mais Hindenburg est maintenant trop lié avec son associé pour accepter sans protestation cette désignation voisine de la disgrâce ; il adresse une réclamation à l’Empereur qui lui rend son chef d’état-major.

La Direction suprême a donc décidé de combiner, avec une attaque autrichienne en Galicie, une attaque allemande en Pologne. C’est cette dernière que Ludendorff réprouve parce qu’il pense qu’elle ne donnera jamais que de médiocres résultats. Et, en effet, les Allemands remportent de grandes victoires tactiques ; ils repoussent les armées russes loin de leurs positions initiales, mais ils sont, une fois de plus, incapables d’en déterminer l’effondrement par une attaque débordante elle que la préconisait Ludendorff.

Lorsque la Direction suprême se résout à venir à résipiscence, il est trop tard. A la suite de la « Campagne de Russie de 1915, » les Allemands ont gagné la Pologne, la Lithuanie, la Courlande, une partie de la Livonie ; ils n’ont pas abattu l’armée russe.


Alors commence une période défensive de plusieurs mois au cours de laquelle l’acharnement des attaques russes, la dualité de commandement entre Autrichiens et Allemands avec toutes les faiblesses qu’elle implique, les défaillances des premiers et la nécessité pour les seconds d’accourir partout à la rescousse, de. « farcir » pour ainsi dire les armées austro hongroises afin de leur rendre quelque consistance, aboutit à une situation qui semble bien près d’être désespérée. Si, faisant flèche de tout bois, Ludendorff arrive à pourvoir à tout, c’est tant bien que mal, non sans peine, non sans tiraillements avec ses alliés, non sans froissements avec la Direction suprême, qui vient de payer terriblement cher son attaque malheureuse