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les phases, ont partout porté notre front de bataille au delà de la ligne Hindenburg. Elle est dépassée au Nord de Lille où un saillant important a été créé dont le sommet menace Roulers, dépassée plus fortement encore au Sud de Lille, puisque notre front partant de la Bassée et passant à quelques kilomètres à l’Ouest de Douai, englobe Cambrai, Le Cateau, touche presque à Guise et déborde largement Saint-Quentin et Laon, dépassée au Sud des Ardennes, puisque les armées françaises, maitresses des plateaux de l’Aisne, entament le camp de Sissonne, menacent Rethel, occupent Vouziers et vont donner, à Grandpré, la main aux armées américaines en pleine marche sur les deux rives de la Meuse. Nous voici loin de ces journées de septembre où, en dépit des grands succès obtenus au cours de l’été, on se pouvait encore demander sur quel point et comment serait forcée la célèbre position.

Les Allemands savent que la défaite, essuyée entre le 27 septembre et le 13 octobre, sur toute la ligne, est proprement irréparable. S’étant vu arracher les trois quarts de la terre française tenue par eux le 8 août encore, ils ont, conséquence de cette défaite, perdu la plupart de leurs « lignes de rocades » avancées, les unes déjà saisies par les Alliés, les autres placées sous leur feu. Ce réseau, si riche au 15 juillet, est maintenant singulièrement restreint. Ils ne peuvent plus disposer, dans la région Nord du champ de bataille, ni de la ligne ferrée Lille-Douai-Cambrai-Saint-Quentin, ni de la ligne ferrée Courtrai-Orchies-Le Cateau-Guise-Laon, occupées par nous, et il ne reste au groupe des armées Ruprecht de Bavière que sa troisième ligne Gand-Grammont-Ath-Mons-Maubeuge-Aulnoye, mais déjà de façon bien précaire. Sur le front du kronprinz de Prusse, nos ennemis ont perdu les deux rocades avancées : Laon-Asfeld-Le Catelet-Vouziers et Laon-Liart-Vouziers. Il leur reste à la vérité les rocades d’arrière : Valenciennes à Strasbourg, par Mézières ; Maubeuge à Strasbourg, par Luxembourg ; Courtrai à Cologne, par Bruxelles et Liège, et enfin Gand à Dusseldorff par Malines et la ligne de la rive droite du Rhin. Mais ils savent maintenant que Foch n’est pas homme à se contenter de peu, ni même de beaucoup, et que déjà il a l’œil fixé sur les voies les plus lointaines ; leur réseau avancé étant perdu, leurs communications sont partout visées, déjà menacées. Cependant, leurs ressources en hommes comme en matériel