Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/849

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propos. Va, l’excessif désir que j’ai de prendre la malle-poste de F(rancfort) fait que les Paysans se finiront.

J’éprouve souvent de ces caprices de cerveau, et c’est au moment où je me crois un crétin, que les facultés reparaissent plus brillantes que jamais. La douleur, la crainte, sont deux mains de cuisinières qui fourbissent les casseroles, et le dur grès qu’elles emploient, le frottage, nous font croire à des maladies. Enfin, ne pense qu’à toi, à me conserver mon cher louloup et mon cher minou, toujours beau et frais, comme je les ai vus à Pétersbourg. Dis-toi que tu es aimée comme aucune femme ne l’est. Vois, par tous les ravages que tu fais dans ma pauvre maison, dans ma tête, dans mon cœur, à quel point tu y es tout, la fleur et le fruit, la force et la faiblesse, le plaisir et la douleur, la douleur involontairement, le plaisir toujours, même dans la douleur, la richesse, le bonheur, l’espérance, toutes les belles et bonnes choses humaines, même la religion. Je n’ose pas te dire que tu es autant que Dieu, car je crois que tu es plus encore !...

Allons, chauffe tes poêles, ne les laisse pas éteindre ; qu’il en soit comme de mon cœur, et tu n’auras pas de rhumes, ni de douleurs.

Du 15 au 20 mars, nous nous verrons, vivons là-dessus. Mille tendresses à mon E(ve). Mille caresses au cher m(inou) et mes amitiés à Anna.

Prêche-lui le Silésien. Allons, il me semble que quand finit la page, finissent tous mes plaisirs.

Peux-tu lire mes griffonnages ? Oui ? Eh bien ! lis ici toutes les rêveries d’un bengali pour son m(inou) !


H. DE BALZAC.