Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/861

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dits de Grenzschütz, ou garde-frontières. Les hommes recevaient une forte paye, et de plus jouissaient parfois, aux termes de leur engagement, du droit d’envoyer à leurs familles des vivres pris sur le pays. On vit rarement un pareil ramassis de brigands. Sans discipline, n’écoutant pas les officiers de l’armée régulière, dont ils faisaient le désespoir et la honte, ils pillaient les habitants dans toutes les régions de l’Est où ils stationnaient, aussi bien les Allemands que les Polonais, comme cela fut constaté à l’Assemblée par le ministre Noske et plusieurs orateurs, mais faisaient de plus subir aux Polonais tous les sévices possibles. C’était une clameur générale.

Il importait de reconstituer au plus tôt une armée régulière ; c’était le but de la loi. L’armée nouvelle, appelée Reichswehr, se composait de brigades mixtes, ayant la composition d’une division ordinaire. Elle était recrutée par engagements volontaires. L’appât de la forte solde, de la discipline adoucie, attira de nombreux éléments. Ils étaient formés de deux catégories bien distinctes : d’abord les sans-travail, qui y trouvaient leur gagne-pain, puis les jeunes gens de bonne famille, qui, poussés par l’esprit militaire et le souci de protéger l’ordre, affluèrent en masse. L’effort des autorités consista à se débarrasser peu à peu des premiers éléments dont le loyalisme était douteux. Dès la fin de mars, la Reiehswehr seule comprenait 200 000 hommes.

La loi prévoyait la disparition progressive des corps francs, mais, contrairement à ce qu’on devait attendre, il y eut une nouvelle floraison de ces corps, que le Gouvernement favorisa, y voyant le moyen de renforcer son armée. Cette floraison fut déterminée par le retour en Allemagne des chefs les plus populaires.

Tout le long des mois de janvier et de février avait continué la rentrée solennelle des troupes à Berlin. Deux ou trois fois par semaine, revenaient de nouveaux détachements. Ils étaient accueillis comme des triomphateurs. Leurs armes, leurs voitures étaient ornées de feuillages ; ils étaient couverts de fleurs par la foule. A leur entrée dans la ville, ils se groupaient sur la Pariser Platz, devant la porte de Brandebourg ; et du haut de tribunes enguirlandées, le Ministre de la guerre les recevait en leur déclarant, de plus belle, qu’ils n’avaient jamais été battus, tandis que les magistrats leur souhaitaient la bienvenue