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Voilà pourquoi de toi je suis à jamais ivre,
O verdoyant Ronsard ! Et quand j’ouvre ton livre
De nouveau je me perds au cœur de ta forêt :
Et le temps, que tu vaincs, m’arrête dans ma course
Pour boire à ta fontaine ou plonger en ta source,
Au fond du bois sonore, où tout enfant j’errai...


O CHER TRISTAN


O cher Tristan, si fol, si doux,
Il n’est pas une d’entre nous,
Qui ne vous pleure à deux genoux.

Si doux, si fol, ô cher Tristan,
Vous que les femmes aiment tant,
Et qu’à jamais leur cœur attend !

Vous qu’elles cherchent dans ces bois
Tout pareils à ceux d’autrefois
Où s’enfuit l’amour aux abois...

Vous que, du haut du balcon noir,
Parmi tous les parfums du soir,
Vous, qu’elles voudraient tant revoir.

Car c’est vous qui chantez toujours,
Quand elles veillent sur les tours,
Les plus belles chansons d’amours...

O cher Tristan que l’on croit mort,
Vous êtes plus présent encor
Que le plus jeune et le plus fort.

Quand, sous l’étoile qui reluit,
Vole une écharpe dans la nuit,
C’est vers vous que l’air la conduit.

Quand la dame effeuille en pleurant
Quelque bouquet bien odorant,
Vers vous, va le pétale errant.