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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/890

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artiste cette vaste toile, et il explique exactement toutes les intentions du tableau : « Le jeune seigneur de Purmerland donne à son lieutenant le sieur de Vlardingen tordre de faire marcher sa troupe. » Voilà le sujet du tableau et il n’en est pas d’autre. C’est une Ordonnance, une Prise d’armes, et non pas un groupe de portraits. Car on admettra bien que Franz Banning Cocq connaissait le titre exact d’un tableau qu’il avait payé seul, en dehors de toute contribution collective et qu’il n’avait aucune raison de mettre, à cette aquarelle, un titre de fantaisie expliquant si parfaitement l’œuvre même du grand artiste, alors que ce livre n’était pas destiné à ses descendants, puisqu’il mourut, sans enfants, en 1655.

S’il en eût été autrement, il n’eût pas manqué d’inscrire les noms de ses compagnons d’armes sur cette aquarelle de souvenir. Or, cette aquarelle, qui nous fournit le titre même de l’œuvre de Rembrandt, offre une autre particularité qui n’a jamais été signalée, que je sache. C’est qu’elle n’est pas faite d’après le tableau du Rijskmuseum, et qu’elle présente, avec celui-ci, des différences si nombreuses et si importantes dans le détail de chaque figure, qu’elle ne peut être qu’une étude faite d’après l’esquisse même de Rembrandt, laquelle devait être chez le bourgmestre Franz Banning Cocq, en 1653, lors de l’exécution de cette copie à l’aquarelle. Quoique l’allure générale de l’œuvre soit semblable, dans l’ensemble, à l’arrangement scénique du grand tableau définitif, on trouve dans chaque figure une variante d’attitude, un port de tête différent. Un trois-quarts du tableau devient un profil ou une face sur l’aquarelle, et réciproquement. Les groupes d’arrière-plan sont assez différents, avec des coiffures d’autre sorte. Or, comme l’exécution de cette aquarelle est l’œuvre d’un novice très attaché aux détails et, certes, bien incapable de varier, ainsi, des attitudes en copiant, on est conduit à reprendre l’affirmation de Vosmaer qu’il existait une esquisse peinte par le Maître pour la préparation de son tableau.

Peut-être, même, le bourgmestre Cocq fit-il faire cette aquarelle au moment de se séparer de cette esquisse qui passa dans la collection Boendermaker jusqu’en 1768. Le peintre J. van Dijk la signale dans sa « Besckryving van alle de schilderijen op hat Stadhuis van Amsterdam » de 1758 ; or comme c’est le même artiste qui fut chargé de décrasser le grand tableau de