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que possible contre la désannexion de l’Alsace-Lorraine. Bref, les partis politiques d’Alsace étaient complètement épurés quand s’ouvrit la campagne électorale. Les Allemands qui s’étaient appliqués à jouer un rôle prépondérant dans notre vie politique avaient jugé à propos de disparaître, et ceux qui étaient demeurés au pays se trouvaient dans l’impossibilité de voter. Pour la première fois depuis le 8 février 1871, date à laquelle les Alsaciens envoyèrent leurs députés à l’Assemblée de Bordeaux, l’Alsace a pu, le 16 novembre 1919, procéder à des élections purement alsaciennes. La signification du scrutin n’en est que plus haute.

Le fait que plusieurs listes (trois dans le Bas-Rhin, deux dans le Haut-Rhin) furent soumises au libre choix des électeurs ne change absolument rien à la portée des élections. Certes, il avait été d’abord question de s’entendre sans distinction de partis ou de croyances et de ne former qu’une seule liste dans chaque département. Le 31 août, M. le Dr Kayser, de Colmar, m’écrivait une lettre que je reproduis ici parce qu’elle reflète à merveille les sentiments de tous ceux qui voulaient que nos premières élections françaises se fissent dans une atmosphère de parfaite harmonie politique. Voici cette lettre :


La campagne électorale est virtuellement ouverte en France. Pour la première fois depuis 1871, l’Alsace et la Lorraine seront appelées à participer aux élections françaises et à prendre une part active à la vie politique, économique et sociale de la France. La grosse question qui se pose chez nous, à la veille de la grande consultation nationale, est celle-ci : « Est-il sage, est-il patriotique que les élections en Alsace et Lorraine se fassent comme elles se sont faites jusqu’à présent chez nous sous le régime allemand comme elles se font en France, c’est-à-dire que les électeurs se groupent selon les programmes politiques du parti auquel ils adhèrent ? »

Déjà nombre de questions qui de tout temps ont divisé le corps électoral (question de la séparation des Églises et de l’État, question des écoles, etc.), sans parler du domaine social, sont mises en avant. D’amères polémiques vont s’ensuivre et faire la joie de quelques sectaires incorrigibles et surtout de nos bons amis d’outre Rhin. Continuerons-nous à leur donner ce triste spectacle au moment où, pour la première fois, nous ferons acte de citoyens français en allant aux urnes ? L’occasion de nous montrer en vrais patriotes français est unique. Depuis 1874 et 1887, cette belle occasion ne s’est plus retrouvée.