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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/926

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sur l’énergie des autorités militaires et civiles, l’émotion des paysans. En même temps, la découverte en Alsace du complot neutraliste, alimenté par l’or allemand, jetait une éclatante lumière sur les origines de la propagande par laquelle tant de Lorrains sincères s’étaient laissé surprendre. On voyait désormais à qui profiterait l’expression trop vive du mécontentement public. L’opinion fut unanime à penser que, sans renoncer à ses revendications légitimes, elle avait pour principal devoir, dans les circonstances présentes, d’affirmer sa joie d’avoir retrouvé la patrie. La campagne électorale s’ouvrit dans une atmosphère purifiée.


Elle fut menée au premier rang par l’Union républicaine lorraine. Le nom seul est nouveau. L’Union lorraine fut formée, aussitôt après l’armistice, par la fusion des deux grands partis qui se partageaient sous le régime ancien les sympathies des annexés, le Centre catholique et le Bloc indépendant. Entre les deux groupes l’entente était facile. Sans doute, dans le passé, ils avaient suivi parfois des voies assez différentes : de 1900 à 1906, l’orientation de la politique intérieure française avait entraîné nombre de catholiques lorrains, par réaction, à ne plus repousser l’idée d’un rapprochement avec le Centrum allemand ; le Bloc indépendant avait préféré conserver toute sa liberté ; des conflits souvent vifs en étaient résultés. Mais, à la veille de la guerre, déjà la situation s’était modifiée. Au cours de la crise morale qu’avaient fait naitre depuis 1901 les alertes qui troublaient l’Europe, après l’inauguration du monument de Noisseville qui remue jusqu’à l’âme les masses paysannes, les catholiques lorrains avaient senti qu’il leur était impossible de pratiquer plus longtemps, fût-ce dans un domaine restreint, une tactique germanisante. Le Centre, par une évolution rapide, avait rejoint le Bloc. En 1914, l’un et l’autre combattaient pour la même cause avec une vigueur égale : d’accord dès l’origine sur un programme de conservation religieuse et sociale, ils se trouvaient d’accord aussi désormais pour défendre sans compromission les intérêts spéciaux du pays ; ils n’étaient plus séparés que par des nuances de méthode et par le fait que leur clientèle se répartissait à peu près suivant la limita des langues. C’est donc un mouvement naturel qui les a portés à supprimer