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REVUE SCIENTIFIQUE.

d’abord un peu heurté par l’idée que l’électricité, cette chose qui coule le long des fils métalliques, cette chose qu’on appelle encore couramment le fluide électrique, pût être fragmentée et constituée en réalité par des particules séparées et indivises. Telle était pourtant la vérité qu’ont établie les recherches récentes.

Les adversaires de la théorie corpusculaire de l’électricité ont longtemps soutenu, notamment, qu’il y avait une différence essentielle entre l’électricité statique (celle qui charge la bouteille de Leyde) et l’électricité dynamique (celle des courants d’éclairage). On pensait qu’un corps chargé d’électricité statique ne pouvait en aucun cas se comporter comme un courant électrique. Les expériences célèbres du physicien américain Rowland ont montré qu’il n’en est rien et qu’un corps électrisé en mouvement aies mêmes propriétés, et, en particulier dévie les aimants, comme un courant. Rien à ce point de vue, n’empêchait donc plus de considérer les courants électriques auxquels nous sommes habitués comme pouvant être constitués par un flux de petites particules, de granules d’électricité en mouvement et se déplaçant à l’intérieur des métaux, comme les ions dont nous venons de parler se déplacent à l’intérieur des solutions électrolytiques. On imaginait difficilement cependant, comment des granules électriques pouvaient se déplacer à l’intérieur de la masse compacte d’un fil métallique. L’extrême petitesse des électrons, par rapport aux dimensions des molécules métalliques, petitesse dont je donnerai une idée ci-dessous, est venue lever cette dernière difficulté et on conçoit parfaitement aujourd’hui que les interstices moléculaires des métaux puissent être parcourus par un flux d’électrons aussi facilement… et plus facilement même, que les interstices de nos maisons, les rues sont parcourues par les piétons et les voitures.

L’étude de ces singulières radiations que sont les rayons cathodiques est venue apporter la plus belle, la plus convaincante des démonstrations qu’on pût souhaiter de la nature corpusculaire de l’électricité et de l’existence des « électrons » constituants communs de tous les corps.

Depuis les découvertes deHittorf qui datent d’un demi-siècle déjà (1869), on sait que lorsqu’on fait passer une décharge électrique dans un tube de verre où l’on a fait un vide assez avancé (de manière à y réduire la pression à moins d’un millième de millimètre, c’est-à-dire à un millionième d’atmosphère environ), on observe dans l’obscurité une phosphorescence verte sur une partie du tube. Cette phosphorescence est produite par des rayons particuliers qui