Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/949

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
945
REVUE SCIENTIFIQUE.

méthodes indépendantes et concordantes. On peut les considérer comme définitivement établis :

Tout d’abord, la vitesse des particules qui constituent les rayons cathodiques dans un tube de Crookes est énorme : elle dépasse fréquemment 50 000 kilomètres par seconde dans un tube ordinaire, et peut être même très supérieure à cette valeur et voisine de la vitesse de la lumière (300 000 kilomètres par seconde), tout en lui restant toujours inférieure, nous verrons pourquoi. Cette vitesse dépend naturellement beaucoup de la différence de potentiel, c’est-à-dire de niveau électrique, de la décharge produite dans le tube de Crookes, de même que la vitesse d’un corps qui tombe dépend de la hauteur de chute.

J.-J. Thomson n’a pas pu déterminer directement la masse, ni la charge électrique des corpuscules cathodiques ; mais il a déterminé exactement le rapport de ces deux quantités qu’on est convenu d’écrire e/m (e = charge électrique d’un corpuscule, m = masse du corpuscule).

Or, on constate ce fait remarquable que la valeur de e/m est toujours la même, quelles que soient la nature et la vitesse des rayons cathodiques produits. Quel que soit le métal dont est fait la cathode du tube à vide (cuivre, fer, platine, etc.), quel que soit le gaz contenu dans le tube (air, azote, hydrogène, etc.), la valeur du rapport e/m est toujours numériquement la même. Thomson, pour expliquer ce résultat, a supposé aussitôt que les petits projectiles cathodiques sont toujours identiques, quelle que soit la matière dont ils proviennent, et que, par conséquent, ils sont un constituant universel commun aux atomes de tous les corps. Telle est précisément la conclusion à laquelle l’analyse spectrale et le phénomène de Zeeman nous avaient déjà conduits. Mais ce qui est tout à fait frappant, c’est que la valeur du rapport e/m déterminé par les rayons cathodiques coïncide exactement avec celle qu’on avait déduite de l’analyse spectrale. Ainsi les « corpuscules » de Thomson sont identiques aux « électrons » de Lorentz.

Tous les faits ultérieurs, et ils sont nombreux, n’ont fait que confirmer rigoureusement ces résuhats.

Enfin Thomson a remarqué que la valeur du rapport e/m déterminée par les rayons cathodiques est exactement 1830 fois plus grande que n’est le rapport de la charge à la masse d’un ion, d’un ion hydrogène, par exemple, dans le phénomène de l’électrolyse dont nous avons parlé plus haut.