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rassemblé les groupements jadis séparés. En Italie, la situation était bien différente. Le parti giolittien qui dominait dans l’ancienne Chambre et qui avait été opposé à la guerre, était mis hors de cause par la victoire, et il a été complètement écrasé aux élections. Les autres partis étaient en désarroi et n’offraient rien aux électeurs qui fût de nature à éveiller leur attention. Ce qui a caractérisé les élections du 16 novembre, c’est le nombre, considérable des abstentions ; la majorité des citoyens par lassitude ou désenchantement n’a pas pris la peine de voter. Les partis extrêmes ont bénéficié de ces dispositions. Tandis que les socialistes indépendants gardaient leurs 27 sièges, les socialistes les plus avancés passaient, de 52 qu’ils étaient dans l’ancienne Chambre, au chiffre de 155. Il n’y a que le nouveau parti populaire qui ait fait d’aussi brillants progrès. Composé de catholiques, dont les uns sont conservateurs, mais dont d’autres sont syndicalistes, ce groupe a eu cent élus, alors qu’il n’en avait eu précédemment que 29. Les autres partis se trouvent très diminués : les radicaux, qui comptaient plus de soixante-dix députés, n’en comptent même plus quarante, les démocrates constitutionnels et les libéraux qui formaient dans l’ancienne Chambre une masse de trois cents députés ne sont plus qu’au nombre de 179. Le gouvernement dans ces conditions deviendra très difficile. M. Tittoni a quitté le pouvoir, M. Nitti qui reste président du Conseil aura une lourde tâche. Les excès du socialisme et les tendances ouvertement bolchévistes que ses représentants les plus avancés ont avouées, sont de nature, il est vrai, à rapprocher les partis d’ordre. Les socialistes n’ont rien fait pour atténuer l’éclat de leur victoire et pour proclamer les espérances qu’elle a fait naître. Bien au contraire : ils ont insisté sur la défaite bourgeoise, sur l’union des ouvriers révolutionnaires et des classes rurales, sur le caractère international du parti ; ils sont allés jusqu’à écrire que le parti socialiste italien possédait désormais une armée rouge organique et complexe. La manifestation antidynastique à laquelle ils se sont livrés n’a même été qu’une expression bien atténuée de leur pensée. Leur projet primitif consistait à assister au discours du trône et faire du bruit pendant que le souverain parlerait. Le silence et l’exode ont représenté des concessions aux tendances opportunistes d’une fraction du parti. Les apologistes du vacarme se sont rattrapés à la séance où M. Nitti s’est expliqué sur les incidents de Rome et il a fallu tout le calme et toute la fermeté du Président du Conseil pour qu’il puisse se faire entendre. M. Nitti trouvera évidemment une majorité contre les