Jeanne et les Guises, fait choix du bassin de Paris. Il est venu au monde au moment où ce choix venait d’être violemment contrarié, et où l’acte de Francfort posait, devant le fils du magistrat lorrain, un cas de conscience historique. Autant de circonstances bien faites, on l’avouera, pour éveiller et pour nourrir, chez un enfant réfléchi, la muse de l’histoire.
Toute son enfance se passa à Bar, au pied du « gros Horloge, » dans cette vieille ville charmante, juchée sur sa colline, la mieux faite par elle-même pour provoquer les rêveries d’un jeune esprit en qui se glisse le démon du passé. Et sur les places de la ville, que de maréchaux de bronze, Exelmans, Oudinot, gouverneur de Berlin ! Voilà de quoi faire songer, aux environs de 1880, un Barrois de la génération qui a suivi Sedan. Sans doute on ne lisait pas encore sous la porte du lycée l’inscription de marbre noir qui enseigne aux petits Lorrains que le plus court chemin qui mène à l’Élysée est une droite partant du lycée de Bar-le-Duc : mais déjà toute la ville montrait avec orgueil un jeune élève de rhétorique qui marchait sans distraction vers les plus hauts destins. Et cette ville de 18 000 âmes ne doutait pas qu’elle donnerait des chefs d’État à la République comme elle avait, en moins de cent ans, donné deux maréchaux et cinquante généraux à la France. Le petit Poincaré n’a pas démenti ces promesses. Quant à l’Académie française, Madelin devait y voir jusqu’à sept Lorrains à la fois, Theuriet, Mézières, Gebhart, le cardinal Mathieu, MM. d’Haussonville, Barrès et Raymond Poincaré lui-même.
À huit ans, il savait qu’il ferait de l’histoire. Il savait même positivement que ce serait celle de Louis XI, M. Madelin le père ayant accoutumé de lire le soir à ses enfants les romans de Walter Scott et ayant commencé ces lectures par Quentin Durward. À vrai dire, le jeune homme s’aperçut assez vite que Louis XI était un sujet furieusement compliqué ; il se borna à étudier le Concordat de 1516 : on peut, dans ses projets d’avenir, se tromper de cela. Mais Madelin est resté fidèle à Walter Scott, et il est un nouvel exemple d’une vocation d’historien, éveillée par le génie de l’incomparable romancier et poète écossais. L’action de ce grand homme est une des plus fécondes qui se soient exercées en Europe. Elle a été décisive sur Balzac, qui a reconnu le fait et le proclame en vingt endroits : et ce témoignage seul devrait suffire à défendre l’illustre châtelain