pas su très bien, je pense, ce que l’on voulait faire de nous. Je crois, pour ma part, que l’on nous aurait ramenés à Gand, si nos collègues avaient eu la faiblesse de reprendre leurs cours et de capituler sous les menaces. Désormais notre sort n’était plus douteux. Tant pis pour nous si la mesure prise à notre égard demeurait inefficace ! Nous n’avions qu’à en supporter les conséquences. Il était inadmissible de nous laisser rentrer en vainqueurs au milieu de nos amis. Si notre captivité avait produit quelque effet, elle eût sans doute été temporaire ; inopérante, elle devait durer aussi longtemps que la guerre elle-même. Il y allait de l’infaillibilité de l’autorité militaire.
Pour moi, du moment que, de déporté à temps, je devenais un simple prisonnier politique, ma place n’était plus à Crefeld. Je devais être privé de l’honneur, dont on m’avait jugé digne tout d’abord, de vivre au milieu d’officiers. Le 12 mai 1916, l’ordre arriva de me transporter au camp de Holzminden.
Il est certain qu’il eût été beaucoup plus heureux pour moi d’être condamné tout d’abord à ce nouveau séjour. J’étais prêt à tout supporter en quittant la Belgique, et les récits que j’avais entendu faire à Gand sur les geôles allemandes m’avaient préparé au pire. Mais ma résidence à Crefeld m’avait gâté et, durant les premiers jours, le contraste trop brusque entre ce que je quittais et ce que je trouvais, me porta, je l’avoue, un choc assez rude.
Tout a été dit sur Holzminden, et je n’ajouterai pas une nouvelle description à toutes celles qui en ont été faites, et autant que j’en puis juger, fort bien faites. J’eus la chance d’y arriver d’ailleurs et d’y séjourner durant la période où le régime de ce camp trop fameux fut le plus supportable. Il comprenait alors de 8 à 10 000 prisonniers répartis dans 84 grandes baraques de bois alignées en files sur un espace d’environ quatre hectares. L’avenue centrale, l’avenue Joffre, comme l’appelaient les prisonniers, grouillait du matin au soir d’une cohue bigarrée, où se rencontraient tous les types nationaux, toutes les classes sociales, et où l’on parlait toutes les langues, sauf l’anglais, car d’Anglais, je ne sais pourquoi, pas un seul ne se trouvait à Holzminden.
Au centre du camp, une dizaine de baraques, entourées d’un treillis en fil de fer, renfermaient les femmes et les enfants. Tous les jours, de midi à trois heures, les femmes