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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/613

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savourer les trois repas cuisinés par les chefs de la Bouche royale et apportés en cérémonie dans l’antichambre par les garçons servants. Rien, en effet, n’avait été changé au régime des prisonniers, et quand Mme Simon arriva au Temple, l’ancienne femme de ménage dut prendre une haute idée des fonctions dont était investi son époux. Elle ne parut que quatre jours plus tard ; c’est, du moins, ce qu’on doit inférer de l’arrêté de la Commune daté du 6 juillet qui l’admet à partager l’aubaine advenue à son homme. Singulièrement lourdaude et vulgaire, elle était, du reste, comme l’immense majorité des femmes du peuple de Paris, charitable et bienfaisante ; elle s’était dévouée, sans compter sa peine, aux blessés du 10 août, soignés dans le couvent des Cordeliers. Il est aussi faux qu’injuste de la représenter comme une nu-gère fainéante et aimant à boire.

La remise du Dauphin à Simon causa dans Paris une sensation qu’il faut noter : soit quo la nouvelle parût invraisemblable, on que la malice publique devinât le jeu de Chaumette, soit qu’un comparse indiscret eût trop parlé, le bruit se répandit par toute la ville que la Commune et ses amis de la Montagne ne s’étaient emparés du fils de Louis XVI que pour en faire une arme contre leurs adversaires. Le jeune prince, assurait-on, n’était plus au Temple, on l’avait porté en triomphe à Saint-Cloud : à la tribune de la Convention, Robespierre fulmina contre ces rumeurs séditieuses ; elles se propagèrent jusqu’à Lyon, où, le 14 juillet, un réfugié, Barety, député des Hautes-Alpes, affirmait que « des bruits de restauration monarchique couraient à Paris. » Chose étrange, c’est Chaumette que l’opinion générale plaçait à la tête du mouvement et on prétendait « qu’il avait eu une conférence avec la Reine. » Le Comité de Sûreté générale dépêcha, sans tarder, au Temple quatre de ses membres, afin de s’assurer qu’aucun des détenus n’avait disparu : leur rapport constate qu’ils trouvèrent « dans le premier appartement le fils de Capet jouant tranquillement aux dames avec son Mentor. » Comme Simon l’avait tenu jusqu’alors reclus au deuxième étage, dans la crainte, sans doute, que les larmes de l’enfant n’attendrissent les soldats de garde, ceux-ci en avaient conclu que la rumeur publique était justifiée et que le Dauphin n’était plus au Temple. Les conventionnels l’amenèrent au jardin, pour le faire voir, et alors, devant tous ces hommes, ce brave petit prince de huit ans eut le courage