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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/661

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sion de nos amis anglais, qui ne sont pas, eux non plus, sans connaître la chose. Qui acquittera en fin de compte ces largesses folles qui ne sont pas le prix d’un travail et n’ont pour effet que de permettre aux bénéficiaires de ne pas travailler ? C’est ainsi qu’à dépenser sans compter, dans le dérèglement et le déficit, on perdait le bénéfice de la victoire et on menait le pays aux abîmes.


III

La guerre a aggravé le mal, mais le mal est ancien. Depuis quarante ans, le gaspillage et le désordre ont régné en maîtres dans la gestion de nos affaires, et s’il est vrai qu’un régime se juge sur ses finances, — finances, selon Littré, vient du vieux verbe finer, c’est-à-dire terminer, conclure, les finances sont donc la conclusion, la traduction, le critérium final des phénomènes sociaux, — notre régime depuis quarante ans n’a été rien moins que désastreux.

« La Cour mangeait le royaume, » disait énergiquement le duc de Croy au XVIIIe siècle : de nos jours on aurait pu dire pareillement que les gouvernants « mangeaient » le pays. Partout, depuis un demi-siècle, les dépenses publiques ont augmenté, — de cette augmentation soi-disant fatale les pédants allemands ont même prétendu faire une loi économique, la loi de Wagner, — mais nulle part l’accroissement ne s’est manifesté avec moins de mesure que chez nous, nulle part le point de départ n’était plus haut, plus haute la charge initiale de la dette publique. En 1873, le budget des dépenses se chiffrait à 2 874 millions ; il atteignait 3 288 millions en 1890, 3 747 millions en 1900, 4 322 en 1910 et 5191 en 1914. Si, dans cette effrayante progression, la hausse des dépenses militaires tient une large place, bien plus large encore est celle que représentent l’extension des dépenses civiles, la multiplication du fonctionnarisme, des entreprises d’État, des services d’ordre social. Combien de fois n’a-t-on pas dénoncé le péril, et jeté le cri d’alarme devant la « marée montante des budgets ! » Mais en vain. Jamais les partis au pouvoir n’ont eu le courage de réagir. Trop vieille est l’habitude de l’imprévoyance, du laisser-aller et de la dissipation, trop général le coulage, et trop profitable aussi à certains. On en arrive, en manière d’excuse, à