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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/792

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de commerce de Sarrebrück, quelques condamnations, en tout 30, de trois mois à cinq ans d’emprisonnement, rétablirent promptement et pacifiquement l’ordre. On comprit à Berlin que le jeu était dangereux et pouvait tourner à la confusion des provocateurs.

On chercha à terroriser les populations par d’autres moyens. La presse asservie à la Prusse se répandit en calomnies et en menaces. La vieille Gazette de Cologne, dont Bismarck disait qu’elle valait à la Prusse un corps d’armée sur le Rhin, donna le la à cet orchestre des journaux petits ou grands inspirés par les fonctionnaires, dociles eux-mêmes aux ordres de Berlin. Mais la coulée autonomiste, venue des profondeurs de l’histoire allemande, alimentée par l’humiliation de la défaite, encouragée par la présence des troupes alliées, était trop puissante et trop vivante pour que des menaces à lointaine échéance eussent le pouvoir de l’arrêter.


IV

Les populations rhénanes avaient vu, en novembre, les troupes allemandes en déroute s’écouler comme un torrent par les ponts du Rhin, puis elles avaient assisté à la marche triomphale et ordonnée des Alliés, partout bien reçus, parfois même discrètement fêtés par les descendants de ceux qui avaient acclamé les soldats de la première République et combattu sous les drapeaux de l’Empereur ; les délégués des villes venaient hâter la marche des avant-gardes qui les protégeraient contre les excès révolutionnaires d’une soldatesque démoralisée. Les Rhénans eurent l’impression que l’ancien état de choses qui venait de s’écrouler dans le sang et la honte ne serait jamais restauré, et que les Français, qui s’établissaient sur le Rhin, étaient résolus à y rester. Ils jugeaient, avec leur mentalité allemande, du respect de leurs vainqueurs pour la volonté des peuples ; d’ailleurs, leur volonté, passive et accoutumée à l’obéissance, se pliait par avance sans révolte aux arrêts du plus fort ; ils indiquaient cependant leurs préférences et revendiquaient, dès le 4 décembre, — nous l’avons vu, — leur droit à l’autonomie dans le cadre du Reich. Ces premières manifestations servirent à dessiner les positions opposées, à grouper les partisans d’une