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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/821

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même temps, une autre armée entrait en Mœsie et pénétrait en Macédoine. Le plan était clair : conquérir la péninsule balkanique et couper en deux l’Empire, en s’interposant entre les provinces d’Orient et d’Occident.


II

Depuis plus de trente ans l’Empire était donc la proie du despotisme militaire, des invasions, de la guerre civile, de l’anarchie de la peste et de la famine. Les guerres civiles de la République avaient été peu de chose en comparaison, parce que les éléments essentiels de la civilisation n’avaient pas été menacés. Cette fois il en est autrement : toutes les forces vitales de la civilisation sont au contraire frappées à mort, dans les provinces de l’Ouest, à commencer par la population. Celle-ci, déjà insuffisante dans les temps prospères, est décimée par la guerre, par les invasions, par l’insécurité générale, par l’appauvrissement universel, par les épidémies incessantes. L’obstination avec laquelle les plus sages des empereurs continueront à transplanter des Barbares dans les territoires de l’Empire et particulièrement en Occident, malgré le danger politique et militaire qui en résultait, est la preuve la plus lumineuse du grand besoin d’hommes qui travaillait l’Empire. La diminution rapide de la population avait, comme il est naturel, engendré une crise agricole et industrielle, et encore accru l’appauvrissement général qui était une de ses causes. Les agriculteurs, colons libres, travailleurs esclaves et petits propriétaires, disparaissent en grand nombre ; la petite propriété se subtilise la grande propriété s’élargit, les terres incultes et abandonnées s’étendent. À son tour l’industrie, si florissante dans tout l’Empire sous les Antonins et même sous les Sévères, avait souffert profondément en partie par la mort de beaucoup d’artisans qui avaient emporté le secret compliqué de métiers perfectionnés, en partie à cause de la pauvreté croissante qui diminuait la consommation.

Un grand nombre de mines, mines d’or principalement, sont abandonnées faute de main-d’œuvre et parce que les régions minières sont envahies par les Barbares ; les métaux précieux sont thésaurises et cachés par les populations effrayées ; le capital se fait rare et l’intérêt de 12 pour 100, considéré